« Au-delà de la mise en danger de toute une filière, ce sont bien nos souverainetés énergétique et écologique qui sont en péril », estime la sénatrice des Yvelines
Cette semaine, le président de la République s’est rendu au Creusot pour soutenir l’entreprise Framatome, réaffirmant que la filière nucléaire civile et militaire donne à la France le statut de grande puissance. Dont acte.
La veille pourtant, dans une matinale radio, Madame Pompili, ministre de la Transition écologique, a refusé de concéder que moins de nucléaire signifiait plus de pollution à court terme, arguant que la France ne devait pas dépendre du nucléaire, sans même justifier cette assertion. Il y a quelques semaines, à l’occasion d’une autre interview, elle mettait également en cause le nucléaire, tout en actant le rallumage des centrales à charbon car, nous avertissait-elle, la France pourrait devoir faire face à des coupures d’électricité cet hiver !
Un tel scénario, inconcevable il y a encore peu, pourrait donc se réaliser en raison d’un dogme. Celui selon lequel la France doit sacrifier sa filière d’excellence d’énergie décarbonée pour la remplacer par des productions renouvelables dont les contraintes techniques et d’approvisionnement ne sont pas encore maîtrisées. D’un côté, un Président qui souligne symboliquement la force d’un fleuron français. De l’autre, une ministre qui le fragilise. Comment la France, sixième puissance mondiale, en est-elle arrivée là ?
«Quatorze réacteurs doivent ainsi fermer d’ici 2035 sans qu’aucune solution viable ne soit clairement indiquée»
Méconnaissance écologique. Cette situation témoigne d’un cruel manque d’anticipation de l’exécutif actuel et du précédent, enfermés dans un choix dénué de toute logique environnementale, scientifique et économique de réduire la part du nucléaire dans notre mix énergétique. Quatorze réacteurs doivent ainsi fermer d’ici 2035 sans qu’aucune solution viable ne soit aujourd’hui clairement indiquée, menaçant de fait le respect de nos engagements pris durant la COP21. Les responsables de cette tragédie sont ceux qui la commentent aujourd’hui. A défaut d’être un déni écologique, nous sommes confrontés à une méconnaissance écologique de nos dirigeants !
Comment peut-on détricoter notre indépendance énergétique si durement acquise et prétendre atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 ? Cette indépendance qui nous permet de nous affranchir conséquemment du charbon et des hydrocarbures, contrairement à d’autres pays, et qui nous offre même la possibilité d’être un exportateur net d’électricité quand notre balance commerciale connaît un déficit abyssal. Au-delà de la mise en danger de toute une filière, ce sont bien nos souverainetés énergétique et écologique qui sont en péril.
«La puissance publique doit soutenir le développement des réacteurs de quatrième génération qui recyclent infiniment une partie des déchets, et aider la recherche sur la filière thorium»
Sans anticipation sérieuse, nous subirons les événements comme nous le faisons depuis le début de la crise sanitaire actuelle. Le plan de relance de l’exécutif consacre 470 millions d’euros à la filière nucléaire pour investir dans les compétences, la formation et la recherche pour la conception de petits réacteurs modulaires. C’est un bon signal mais il ne sera pas suffisant.
L’avenir de la filière nucléaire appelle de grandes décisions politiques, alors que les besoins en électricité vont croître ces prochaines années. Il faut développer le nucléaire du futur pour renouveler nos réacteurs actuels bien sûr, mais aussi pour assurer la pérennité de notre expertise et de notre savoir-faire, y compris en matière de sécurité nucléaire, au cœur de cette excellence à la française. Ce sont des enjeux économiques forts, et des emplois sans risques de délocalisation.
C’est ainsi qu’un grand effort de recherche doit être mené, notamment sur la réduction et le traitement des déchets nucléaires. La puissance publique doit soutenir le développement des réacteurs nucléaires de quatrième génération, qui recyclent infiniment une partie de ces déchets. Elle doit également aider la recherche sur la filière thorium, technologie extrêmement sobre en déchets nucléaires. Cet effort de recherche doit être mené en parallèle d’un développement raisonné des productions renouvelables.
Nucléaire du futur. Nucléaire, éolien et solaire doivent être perçus dans une logique complémentaire, et non antagoniste. Pourquoi opposer ? Aujourd’hui, seules nos centrales nucléaires peuvent pallier l’intermittence des énergies renouvelables sans émettre des tonnes de CO2, contrairement aux énergies fossiles.
Et ces choix doivent nécessairement s’accompagner d’un engagement conséquent en recherche et développement (R&D) pour résoudre les problèmes que peut poser le nucléaire aujourd’hui : la sécurité et le traitement des déchets. A la veille du projet de loi climat, il est grand temps que le gouvernement investisse dans le nucléaire du futur, pour continuer à assurer aux Français l’une des productions d’énergie les plus décarbonées d’Europe.
Marta de Cidrac est sénatrice des Yvelines (LR) et vice-présidente de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat.