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4 mars 2021 / Justin Carrette (Reporterre)Le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité ont dévoilé mercredi 3 mars, à l’occasion de la journée mondiale de la vie sauvage, le bilan national de 13 années d’études pour identifier les espèces menacées. La situation est alarmante.
« Les faits sont là, étayés scientifiquement et d’une criante évidence : notre défi, commun, n’est plus tant dans la prise de conscience que dans l’urgence de l’action. » Les mots de Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, résument le contenu du rapport sur le bilan de la Liste rouge depuis 13 ans.
Cette liste recense les pressions qui s’exercent sur les différentes espèces et « agit comme un véritable baromètre de l’état de santé des espèces en France ». Depuis 2008, sur 13.842 espèces évaluées, 2.430, soit 17,6%, sont menacées de disparition. 187 espèces ont disparu de France ou sont déjà éteintes au niveau mondial. « Une espèce est considérée comme menacée quand son effectif est extrêmement faible, ou si son aire de répartition est très restreinte, ou si elle connaît un déclin marqué », explique Florian Kirchner, chargé de programme « espèces » au Comité français de l’ Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). « Le tableau global est assez sombre. Ce qui est très préoccupant, c’est que tous les groupes d’espèces sont concernés par un risque de disparition. »
Ce qui est inquiétant, c’est également l’évolution de ces chiffres et des menaces qui pèsent sur les espèces. « On a examiné deux fois certains groupes d’espèces comme les vertébrés en métropole ou les oiseaux. En huit ans, de 2008 à 2016, on est passé d’un quart des oiseaux menacés à un tiers. On ne s’attendait pas à voir ce genre d’évolution en si peu de temps, ce phénomène s’observe normalement à long terme. La même dynamique est à l’œuvre pour les mammifères ou les poissons d’eau douce », affirme Florian Kirchner à Reporterre.
Les oiseaux nicheurs sont particulièrement vulnérables en métropole, avec 32 % de leurs effectifs, soit environ un tiers d’entre eux menacés de disparition. Les scientifiques s’inquiètent notamment pour le gypaète barbu mais également pour certains oiseaux des champs comme le chardonneret élégant. En outre-mer, le constat est le même ; les oiseaux sont sous pression avec 34% d’entre eux menacés en Polynésie française. À Mayotte, les 12 espèces de reptiles étudiées sont en danger avec 42% de leurs effectifs menacés de disparition.
L’artificialisation des sols et l’intensification des pratiques agricoles sont en partie responsables
Cette Liste rouge existe aussi à l’échelle mondiale depuis 1964. Selon Florian Kirchner, « la France fait partie des 10 pays qui hébergent le plus d’espèces menacées. Mais c’est dû principalement à la très grande biodiversité du pays. L’Hexagone est un carrefour d’habitats naturels, avec une grande diversité d’espèces ».
L’énorme pression qui pèse sur certaines espèces continue de progresser. « Malgré l’action des pouvoirs publics, le compte n’y est pas. C’est dû au fait qu’on mène des politiques de protection des écosystèmes et que, dans le même temps, on détruit la nature avec un aménagement du territoire insuffisamment contrôlé en grignotant toujours plus sur les espaces naturels », affirme le chargé de programme « espèce » au Comité français de l’UICN.
La Liste rouge a pour mission de mettre en exergue les pressions sur les espèces, de les identifier et de proposer des solutions. Ces chiffres servent également à alimenter les plaidoyers de certaines associations. Pour le Comité français de l’UICN, « on assiste à une artificialisation des sols, et à une intensification des pratiques agricoles, en créant de grands champs uniformes qui font disparaître des microécosystèmes dans les mares, les buissons ou les arbres ».
Certaines mesures sont pourtant mises en place, à l’échelle nationale ou locale, pour protéger des espaces naturels et des écosystèmes. La France prévoit ainsi l’instauration de 30 % d’aires protégées d’ici 2022. Pourtant, « le niveau des actions n’est pas à la hauteur par rapport aux pressions sur les espèces », dénonce Florian Kirchner, qui a réfléchi aux « voies à suivre » :
La loutre va mieux car elle a été protégée, le vautour moine a été réintroduit, le bouquetin des alpes est sauvé grâce à la mise en place d’aires protégées. Mais, aujourd’hui, vu l’ampleur des menaces, on ne peut pas agir seulement au cas par cas, on doit protéger des espaces naturels entiers. Il faut agir sur les pressions, revoir nos modes de production et de consommation, et questionner l’intérêt public des grands projets d’aménagement. »
C’est maintenant que tout se joue…
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