Réutilisation des eaux usées : que va changer le nouveau règlement européen ?

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En juillet 2021 à la station d'épuration de Saint-Jean-de-Cornies (Hérault), vérification de la qualité de l'eau. Sylvain Thomas/AFP

Réutiliser les eaux usées pour économiser l’eau douce, c’est l’une des vertus de ce que l’on nomme la « reuse ». Cette démarche constitue un levier essentiel dans un contexte où le réchauffement climatique augmente la pression sur la ressource hydrique.

Levier pourtant bien peu actionné en France où seul 0,6 % des eaux usées sont retraitées. Négligeable par rapport à d’autres voisins européens, comme l’Italie qui retraite 8 % de ses eaux usées ou l’Espagne qui atteint 14 %. Pourquoi notre pays est-il à la traîne ? Ce phénomène français s’explique principalement par un manque de sensibilisation du public et une réglementation très stricte.

Le retraitement et la réutilisation des eaux usées traitées sont encadrés en France par deux arrêtés ministériels de 2010 et 2014. Cette réglementation définit quatre niveaux – A, B, C, ou D, du meilleur au moins bon – avec pour chacun des exigences de qualité d’eau et des usages autorisés et interdits. Par exemple, les cultures consommées crues ne peuvent être irriguées qu’avec une eau de niveau de qualité A.

S’ajoutent à cela des contraintes d’usage selon la technique d’irrigation, comme la vitesse du vent, les distances minimales de sécurité par rapport à des habitations ou cours d’eau, l’information du public…

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Obstacles réglementaires

Si cette réglementation stricte s’avère nécessaire sur les plans sanitaire et environnemental, les contraintes inhérentes à son application complexifient le montage des dossiers, voire mettent en péril les projets.

Plusieurs d’entre eux ont ainsi avorté du fait de contraintes pour la mise en place (montage de dossier, contrainte de typologie de terrain, prescriptions spécifiques pour l’arrosage par aspersion…) et la mise en œuvre (exigence de traçabilité, suivi de la qualité d’eau, gestion du programme d’irrigation…).

Niveaux de qualité sanitaire des eaux usées traitées selon la réglementation française.
Exemple de contrainte de distance minimale à respecter (en mètres) entre les parcelles irriguées par des eaux usées traitées et les activités à protéger selon la réglementation française.

Un nouveau règlement européen

Comment éviter que ces projets ne prennent l’eau face aux obstacles réglementaires ? C’est l’objet du nouveau règlement européen du 5 juin 2020 sur la réutilisation des eaux usées qui a pour objectif de promouvoir la reuse en harmonisant les règles d’application à l’échelle européenne.

Le parlement européen rappelle ainsi que ces nouvelles règles :

« visent à garantir que les eaux usées traitées soient plus largement réutilisées afin de limiter l’utilisation des masses d’eau et des nappes phréatiques. La baisse du niveau des nappes phréatiques, due en particulier à l’irrigation agricole, mais aussi à l’utilisation industrielle et au développement urbain, est l’une des principales menaces qui pèsent sur l’environnement aquatique de l’UE ».

Objectif affiché : passer de 1,7 milliard de mètres cubes de reuse par an à 6,6 milliards, ce qui permettrait de réduire de 5 % le stress hydrique au niveau de l’UE à l’horizon 2025.

Le règlement européen concerne uniquement l’irrigation agricole – les autres usages demeurant sous la responsabilité de l’État membre ; les États membres disposent de trois ans pour mettre en conformité leurs installations.

Plus souple que le cadre français

Ce nouveau règlement est plus souple que le cadre français actuel : les quatre classes de qualité d’eau sont maintenues – avec des seuils microbiologiques renforcés (pour le critère Escherichia Coli, la qualité A française correspond à une qualité C dans le nouveau règlement) – mais les objectifs de performances ne sont plus requis, sauf pour la qualité A. Pour compenser, la fréquence des contrôles sanitaires – variable selon la classe d’eau – est augmentée.

Autre avancée majeure : les contraintes d’usage obligatoires liées à la distance, la nature du sol et la vitesse du vent ont disparu. Pour les remplacer, des « barrières » sont introduites – un traitement supplémentaire par exemple – permettant d’adapter les critères de qualité en fonction des risques.

L’exploitant de la station d’épuration doit proposer un plan de gestion des risques où les risques et moyens mis en œuvre pour leur gestion sont identifiés (remplaçant les règles d’usage françaises obligatoires jusqu’à présent). Une fois validé, ce plan permettra l’obtention d’un permis d’exploitation qui précise, entre autres, la classe de qualité d’eau délivrée et l’usage agricole autorisé.

Le plan de gestion des risques, établi par l’exploitant de la station d’épuration, constitue donc l’un des pivots de cette nouvelle réglementation.

Il permet de considérer au cas par cas chaque projet et donne plus de souplesse au montage des projets de reuse. Il comprend également un volet sensibilisation du public en incitant à publier certaines données (qualité de l’eau recyclée, résultats des contrôles…) afin de rassurer les consommateurs et d’améliorer l’acceptation sociale de la reuse déjà en forte augmentation. Aujourd’hui, 83 % des Français se déclarent prêts à boire de l’eau potable produite à partir d’eaux usées.

Exigences de qualité applicables à l’eau de récupération destinée à l’irrigation agricole selon le règlement européen. EUR-Lex

Une harmonisation et des interrogations

Par certains aspects, le règlement européen du 5 juin 2020 constitue une réelle avancée. Les pratiques et niveaux de qualité seront les mêmes dans tous les États membres, avec des contraintes d’usages adaptées aux risques effectifs et une transparence renforcée vis-à-vis des consommateurs.

Ce nouveau règlement ne considère cependant qu’un seul usage, l’irrigation ; il reste à espérer que ce sera l’occasion à terme de démocratiser d’autres usages en France tels que l’irrigation des golfs, des parcs, la lutte contre les incendies ou la recharge de nappes.

Les contraintes de qualité très élevées peuvent toutefois entraîner des surcoûts pour la mise à jour des installations, particulièrement si une étape de traitement supplémentaire doit être ajoutée. Obstacle qui, dans certains, cas ne pourra être surmonté sans aides publiques.

Enfin, cette réglementation n’évoque pas certaines catégories de polluant très préoccupantes (microplastiques et micropolluants pharmaceutiques, par exemple) qui inquiètent les consommateurs et pour lesquels des traitements poussés doivent généralement être mis en place.