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Lors d'une rare audition ce mercredi au Parlement, le patron du groupe Bouygues a pris « acte » du refus du gouvernement de reporter les enchères 5G et de négocier un nouveau « New Deal » sur la 4G.
Le ton est policé mais le message est sans ambiguïté. Deux semaines après avoir tenté, sans succès, de reporter de quelques mois les enchères 5G pour pouvoir accélérer sur la 4G dans les campagnes, Martin Bouygues met l'Etat face à ses choix. Le patron du groupe a profité mercredi d'une rare audition au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, pour dire que s'il respectait bien la décision du gouvernement de lancer les enchères avant la fin de l'année, et non pas « début 2021 » comme le demandait Bouygues, ce n'était toutefois pas au groupe d'en assumer les conséquences.
« Le gouvernement, visiblement, a estimé que notre proposition n'était pas nécessaire, donc j'en prends acte », a lancé Martin Bouygues aux sénateurs. Mais la contrepartie est claire. Si jamais le gouvernement, une fois la 5G lancée, demandait aux opérateurs télécoms de mettre les bouchées doubles sur la 4G dans les territoires ruraux, alors Bouygues Telecom pourrait bien ne pas participer à ce nouvel effort. « Notre réponse serait forcément réservée, et nous rappellerons à la ministre, ou à son successeur, qu'un levier n'a pas été utilisé », a taclé Martin Bouygues, à propos d'Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'Etat à Bercy chargée du sujet.
2,17 milliards d'euros en jeu
Initialement, les enchères pour les précieuses bandes de fréquences 5G devaient avoir lieu mi-avril. Mais la vente, qui doit rapporter au moins 2,17 milliards d'euros à l'Etat, a ensuite été reportée à juillet ou septembre à cause du coronavirus. Puis, fin mai, Martin Bouygues avait tenté de la reporter une deuxième fois, à fin 2020 voire début 2021. Selon le groupe, la technologie ne sera mature qu'en 2023, alors que le confinement a montré le besoin criant d'une meilleure 4G dans les « zones blanches » peu ou mal couvertes.
En échange d'un report des enchères 5G, Bouygues Telecom avait donc proposé au gouvernement un « New Deal 2 » prévoyant l'installation de 1.000 à 2.000 antennes 4G supplémentaires dans les campagnes. Ces antennes étaient censées s'ajouter aux 5.000 antennes que les quatre opérateurs doivent chacun déployer dans le cadre du premier « New Deal » signé en janvier 2018 avec l'Etat.
En échange de cet investissement supplémentaire, Bouygues espérait obtenir une baisse du prix des fréquences 5G. Mais Agnès Pannier-Runacher a opposé une fin de non-recevoir. L'Arcep doit dévoiler ce jeudi le calendrier des enchères qui devraient se tenir en septembre.
Fonds d'indemnisation
Martin Bouygues a également mis le gouvernement face à ses responsabilités concernant Huawei. Il redoute que l'Etat lui interdise d'avoir recours à l'équipementier chinois pour la 5G alors que celui-ci fait déjà tourner la moitié de son réseau 4G. « Que l'Etat change d'opinion, c'est son droit, mais alors c'est à lui d'assumer les conséquences », a lancé le milliardaire breton.
Conformément à une nouvelle loi votée en 2019, Bouygues Telecom a certes bien envoyé fin décembre aux services du Premier ministre ses demandes d'autorisation pour ses équipementiers 5G. Mais l'examen de ces dossiers a été suspendu à cause du coronavirus. Comme SFR, Bouygues Telecom est donc toujours dans le flou, les autres opérateurs télécoms Orange et Iliad n'ayant pas recours à Huawei pour la 5G en France, même si Iliad a demandé à faire des tests avec le chinois.
« Evidemment, si Huawei est interdit en France, on ne mettra pas de Huawei, a lancé Olivier Roussat, président de Bouygues Telecom. Mais dans ce cas, il faut des mesures d'indemnisation. » Aux Etats-Unis, un fonds de 1 milliard de dollars a été mis en place pour aider les petits opérateurs régionaux à retirer les équipements Huawei de leurs réseaux, a-t-il rappelé.
Raphaël Balenieri