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44 % de la consommation finale d’énergie et 27 % des émissions de gaz à effet du pays : depuis maintenant plusieurs années, il est bien établi que le secteur du bâtiment (résidentiel et non résidentiel) représente un champ d’action stratégique pour la transition écologique en France.
Dans ce domaine, les politiques fixent des objectifs à la fois énergétiques, avec une diminution de 20 % de la consommation d’énergie finale en 2030 par rapport à 2012, et climatiques, avec une décarbonation quasi complète d’ici 2050, notamment par le passage de l’ensemble du parc au niveau bâtiment basse consommation (BBC).
Ces politiques installent donc sur le long terme des défis pour une transition énergétique ambitieuse, qui se veut également solidaire. L’État cherche en effet à réduire le nombre significatif de ménages qui souffrent du froid l’hiver (et, de plus en plus, du chaud l’été) et qui ont une part importante de leurs dépenses consacrées à l’énergie (le chauffage en particulier) : on compte aujourd’hui au moins 4,8 millions de « passoires thermiques » consommant plus de 330 kWh/m2 (c’est-à-dire classées F ou G dans le « diagnostic de performance énergétique »).
On le comprend, la rénovation énergétique du parc immobilier français doit soutenir à la fois la lutte contre le réchauffement climatique et celle contre la précarité.
Les feuilles de route existent – la Commission européenne vient par exemple de dévoiler son « Renovation wave » dans le cadre duquel elle appelle à doubler le taux de rénovation d’ici 2030 – mais les résultats tardent à venir. Les freins à la rénovation énergétique sont multiples et de plus en plus de voix expriment un point de vue critique sur la politique mise en œuvre et les résultats obtenus.
Nous proposons de revenir sur les principales difficultés rencontrées, en tentant d’identifier les orientations stratégiques qui permettraient de les résoudre.
Economies d’énergie théoriques… et réelles
La rénovation énergétique fait face à plusieurs types de « défaillances des marchés », comme on les appelle en économie ; cela a pour résultat un écart d’efficacité énergétique, soit le décalage entre les économies d’énergies qui pourraient être attendues en théorie et celles réalisées en pratique.
Une première défaillance de marché réside dans la faible « rentabilité » apparente des travaux. À l’exception des passoires énergétiques, c’est-à-dire les bâtiments classés F ou G, le temps de retour d’investissement des travaux de rénovation énergétique est très long. Il est en effet de l’ordre de 20 à 30 ans, alors que l’horizon de temps pour la décision de la plupart des ménages est de 5 à 10 ans.
Pour autant, la performance économique dépend bien de la qualité énergétique initiale du logement : alors qu’un investissement d’isolation de 30 000 € pour un logement de classe énergétique B permettrait d’économiser 1000 €/an, soit un temps de retour sur investissement (TRI) de 30 ans, le même investissement dans un logement de classe F ou G permettrait 3000 € d’économie annuelle soit un TRI bien plus court, de 10 ans.
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Certes de nombreuses aides existent et elles peuvent constituer un élément facilitateur, mais elles ne sont pas toujours facilement accessibles. Sans parler du cas particulier des travaux de rénovation dans les bâtiments en copropriété, où la complexité du processus de décision et de mise en œuvre est décuplée. De ce point de vue, les opérations menées par les bailleurs sociaux constituent une heureuse exception.
En deuxième lieu, de plus en plus d’études d’évaluation des résultats des programmes de rénovation attestent d’une faible réduction effective des consommations énergétiques à la suite des travaux. En Allemagne, après la mise en place depuis dix ans du programme phare de la Caisse de reconstruction (KfW), ce pays fait aujourd’hui un constat amer : des millions d’euros ont été investis et pourtant la consommation énergétique des bâtiments ne fléchit pas.
Comment expliquer un tel décalage ? En grande partie par ce que les économistes appellent « l’effet rebond ». Pour de nombreux ménages vivant dans des logements mal isolés et bénéficiant d’opérations de rénovation, l’amélioration du confort passe avant la préoccupation de réduction des consommations d’énergie. Ainsi les économies escomptées sont souvent contrebalancées par l’augmentation de la consigne de chauffage du logement (passage de 19 °C à 21 °C par exemple) – mais à consommation et facture énergétique inchangée grâce aux travaux.
Ce décalage s’explique également par la surestimation de la valorisation énergétique des opérations. Dans un rapport détaillé, les économistes de Mines ParisTech expliquent par exemple que les fiches techniques définissant les montants d’économie d’énergie des certificats d’économie d’énergie surestiment très significativement l’impact énergétique, et identifient un impact très modeste de l’investissement moyen.
Enfin, du côté de l’offre, la filière de la rénovation énergétique n’existe pas à proprement parler et elle n’est pas aujourd’hui à la hauteur des enjeux. Certes le « label RGE » devrait certifier que les artisans sont qualifiés pour les travaux de rénovation énergétique, mais ceux-ci tardent à se mobiliser dans cette branche et, comme l’explique la députée Marjolaine Meynier Millefer, rapporteuse d’une mission d’information sur le sujet, « il faudrait multiplier par deux, puis trois le nombre de professionnels installés ».
À moins que les industriels du bâtiment ne prennent le relai pour la rénovation massive, et certains considèrent aujourd’hui très sérieusement cette hypothèse. À l’étranger, le programme EnergieSprong constitue une expérience à suivre de rénovation d’immeubles sur un mode industrialisé.
L’isolation ne règlera pas tout
Mais tous les bâtiments ne pourront pas entrer dans un tel processus de rénovation industrialisée. Notre patrimoine bâti est en effet riche de sa diversité, son histoire, ses zones géographiques et climatiques. Dans certains cas, l’isolation extérieure sera impossible du fait des caractéristiques de la façade, alors même que la solution de l’isolation par l’intérieur peut significativement diminuer la surface habitable.
L’isolation des parois reste possible dans la plupart des cas mais elle nécessitera le plus souvent des opérations « sur mesure » faisant appel à différents corps de métier et des intervenants qualifiés. Or certaines aides – comme les opérations « coups de pouce » des certificats d’économie d’énergie vulgarisés à travers le slogan « isolation à 1 euro » – ont eu un effet pervers d’uniformisation des techniques d’isolation des parois avec des matériaux non adaptés (comme, par exemple, le polystyrène), sans pour autant conduire à une massification des travaux favorables à la baisse des coûts ; et sans parler des nombreux cas de fraudes observés.
La mise en place d’un passeport du bâtiment indiquant les étapes à suivre pour atteindre les objectifs escomptés devrait faciliter les mises en œuvre.
Dans tous les cas, l’isolation des parois ne règlera pas tous les problèmes ! Une réflexion de fond doit être engagée avec tous les acteurs pour identifier les solutions appropriées de chauffage décarboné. Elle devrait conduire à des typologies adaptées pour identifier les bons critères de choix et les bonnes conditions pour : le chauffage urbain, les mini-réseaux de chaleur, les pompes à chaleur 100 % électrique, les pompes à chaleur hybrides (électricité + gaz), le chauffage solaire etc. Cela, en tenant compte des contraintes et des coûts de réseau, à l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment.
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Prendre en compte les nouvelles aspirations
Les mentalités changent et les citoyens sont de plus en plus sensibles au réchauffement climatique et plus enclins à faire des efforts – en changeant de comportement comme d’investissement économique – pour protéger la planète.
Il faut éviter que les difficultés rencontrées aujourd’hui ne soient contre-productives, rendant ambiguë la perception de leur impact et ne tuent le gisement réel que représente la rénovation pour les économies d’énergie et la réduction des émissions de GES.
Il faut désormais tout à la fois :
• considérer que les coûts de la rénovation couvrent aussi des coûts d’amélioration de confort ;
• accompagner au mieux les ménages pour qu’ils adoptent les bons gestes ;
• garantir la qualité, l’efficacité et la performance des opérations ;
• accepter que l’on puisse parfois rencontrer des limites à la réduction des consommations,
car il n’est pas toujours vrai que « l’énergie la moins chère est celle
qu’on ne consomme pas » et, dans ce cas, assurer la mise à disposition à
un coût raisonnable d’une énergie décarbonée.
Les pratiques et les discours tenus doivent ainsi évoluer conjointement.