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La France est à la traine en matière de décarbonation du secteur du bâtiment, selon le Haut Conseil pour le climat, qui plaide pour des investissements massifs et une refonte du système d'aides pour rendre la rénovation énergétique performante.
Le bâtiment est un des quatre grands secteurs émetteurs de gaz à effet de serre en France (18% des émissions en 2017, et 28% en ajoutant la production de la chaleur et de l'électricité), avec les transports, l'agriculture et l'industrie. Et ce secteur "doit être complètement décarboné pour que la France atteigne son objectif de neutralité carbone en 2050", a souligné Corinne Le Quéré, présidente du HCC, organisme indépendant. Mais la trajectoire n'est pas là.
Selon le rapport publié mardi, "la France a déjà accumulé un retard important sur la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) dans ce secteur". "Le rythme de baisse des émissions doit passer d'une pente douce, entre 2 et 3% en ce moment, à une pente plus rapide de 5% par an dans ce secteur d'ici quelques années", a noté Corinne Le Quéré.
Alors le HCC insiste pour une "massification" de la rénovation des logements, bâtiments publics et tertiaires. L'investissement annuel public et privé, environ 13 milliards d'euros actuellement, "devra être multiplié au moins par deux en quelques années" et les dispositifs de soutien public, "actuellement de l'ordre de 4 milliards d'euros, devront être quadruplés", selon le Haut Conseil.
Dans ce cadre, le plan de relance "va dans le bon sens", a estimé Corinne Le Quéré, insistant toutefois sur le besoin d'une stratégie "à long terme".
Un long terme qui est bien "le défi majeur de la performance énergétique des bâtiments", a réagi le ministère de la Transition écologique, assurant de la "détermination sans faille du gouvernement à accélérer son action".
Au delà des montants, le HCC s'interroge sur l'efficacité des investissements. Le rapport met en cause la prédominance de "la logique par gestes" : des actes isolés de rénovation, comme le changement d'une chaudière ou l'isolation d'un toit, ne permettent "généralement pas de gains énergétiques majeurs".
Aides « conditionnées »
Résultat, le taux de rénovations globales et performantes - avec un "bouquet" de travaux, de l'isolation complète du bâtiment au système de chauffage - "stagne, avec un rythme de 0,2% par an en moyenne".
Entre 2012 et 2016, environ 87 000 maisons individuelles (qui représentent plus de la moitié du parc résidentiel) ont fait un saut d'au moins deux classes énergétiques (dans le classement de A à G), alors que la SNBC, qui prévoit 500 000 rénovations par an pendant ce quinquennat, vise un objectif minimal de 370 000 rénovations complètes par an en 2022, 700 000 à plus long terme.
Pour encourager la logique de rénovations globales, le Haut Conseil soutient la Convention citoyenne sur le climat qui s'est prononcée pour une rénovation énergétique obligatoire d'ici à 2040.
Le Haut Conseil plaide en plus pour la suppression d'ici à trois ans des aides aux gestes individuels dans le dispositif "MaPrimeRénov", pour lequel le gouvernement a prévu 2 milliards d'euros supplémentaires sur deux ans. Il recommande au contraire de ne proposer "que des aides conditionnées à l'atteinte d'un niveau de performance".
Le rapport plaide aussi pour relever à 10% le taux réduit de TVA à 5,5% sur la rénovation énergétique, à l'efficacité "contestée", et pour une augmentation du montant et de la durée de l'éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ) "en s'inspirant de l'exemple allemand" (jusqu'à 120 000 euros sur 30 ans, contre 30 000 euros sur 15 ans en France).
Pour ce rapport, le HCC a passé en revue les politiques allemandes, suédoises, néerlandaises et britanniques. Et la France est "en queue de peloton" avec les logements les plus "énergivores". Or la rénovation est également importante pour l'emploi et la "réduction des vulnérabilités".
En 2017, 6,7 millions de personnes vivaient dans des logements en précarité énergétique, classés F ou G, souvent appelés "passoires thermiques". Le Haut Conseil recommande qu'à partir de 2025, ils soient classés "indécents" et ne puissent ainsi plus être loués.
La Suède, qui a réussi à quasiment décarboner le secteur, montre d'autre part la réussite d'un modèle qui a misé dès les années 1970 sur des normes d'isolation importante pour le neuf. Ce qui plaide pour une règlementation environnementale des bâtiments neufs "ambitieuse", a noté le ministère, qui doit présenter ces futures règles mardi.