Taxonomie et nucléaire en Europe : appel à contributions par la Commission de l’UE avant le 27/04

https://ideesrecuessurlenergie.wordpress.com/2020/04/18/taxonomie-et-nucleaire-en-europe-appel-a-contributions-par-la-commission-de-lue-avant-le-27-04/







Sustainable finance – EU classification system for green investments

Feedback period: 23 march -27 April

The Commission would like to hear your views

Roadmaps are open for feedback for 4 weeks. Feedback will be taken into account for further development and fine tuning of the initiative. The Commission will summarise the input received in a synopsis report explaining how the input will be taken on board and, if applicable, why certain suggestions can’t be taken up. Feedback received will be published on this site and therefore must adhere to the feedback rules.
https://t.co/lgueHkK4Z3

 Quelques contributions


1)
On ne peut qu’approuver une tentative de cibler au niveau européen une vision compétitive de notre économie environnementale. Mais on peut une fois de plus s’inquiéter d’un manque de pragmatisme qui fait que l’urgence, qui est climatique, est mise au second plan derrière une idéologie verte.
Comment ne pas s’étonner que, alors que le groupe d’experts technique (TEG) reconnait que l‘énergie nucléaire «n’émet presque pas de gaz à effet de serre lors de sa phase d’exploitation » et à ce titre « peut contribuer aux objectifs d’atténuation », il conclut qu’une expertise supplémentaire serait nécessaire sur le critère du « Do Not Significant Harm ». Plus incompréhensible encore il classe in fine le nucléaire au même niveau que le gaz naturel, pourtant puissant émetteur de gaz à effet de serre (environ 30 à 40 fois plus).
Le GIEC lui-même reconnait que le monde aura besoin de toutes les technologies bas carbone si on se préoccupe du changement climatique, et nombreux études et rapports internationaux de référence montrent que les impacts sanitaires et environnementaux du cycle de vie des activités nucléaires satisfont déjà l’exigence DNSH sur l’ensemble des critères étudiés, et qu’il est donc performant sur ce critère « Do not Significant Harm ».
Trois corrections doivent être introduites dans les conclusions de ce rapport :
  • Le nucléaire est un élément essentiel de la politique de décarbonation de l’Europe. Il doit être inclut dès la première publication de la taxinomie car nous n’avons pas de temps à perdre.
  • C’est tout le cycle de vie des sources d’énergies, du puits à la roue, et en incluant l’effort financier considérable apporté pas les soutiens publics, qui doit être comparé, toutes externalités incluses.
  • La garantie de fourniture sur le long terme, insuffisamment prise en compte, doit reposer sur des technologies prouvées, compétitives et pilotables, et non sur des projections hasardeuses comme le stockage du CO2, une civilisation de l’hydrogène, un développement peu environnemental de la biomasse. Comment ces évolutions peuvent-elles être considérées comme acquises !
« 
Jean-Pierre Pervès
2)
Je suis un citoyen européen, de moins en moins convaincu du bien fondé de la politique poursuivi dans beaucoup de domaines et notamment celui de l’énergie ou plutôt de l’électricité.S’agissant de la taxonomie, l’objectif de l’UE est de viser le plus vite possible à la fois la neutralité carbone, objectif très ambitieux, mais aussi une indépendance de plus en plus forte vis-à-vis des pays producteurs de combustibles carbonés, pétrole, gaz, charbon.Exclure l’électricité nucléaire de la taxonomie bas carbone serait un non-sens absolu.Nous sommes en train d’aller vers une société utilisant de plus en plus le vecteur électrique dans son énergie finale. L’OCDE parle de 80 % d’électricité dans l’énergie finale des pays industriels en 2100. Et il suffit de voir les grandes tendances notamment concernant la mobilité qu’elle soit électrique ou hydrogène propre.La seule électricité mobilisable en masse et bas carbone pour nos besoins est l’électricité nucléaire. Elle doit donc faire partie intégrante de la taxonomie.Parallèlement, il convient de revoir le pseudo-marché de l’électricité qui ne fonctionne absolument pas convenablement. Le subventionnement des électricités aléatoires dont le coût est de zéro vu depuis les GRT conduit les prix de marché vers le bas et fait croître simultanément les prix de l’électricité chez les consommateurs. Ineptie totale de ce fonctionnement qui doit être corrigé et même remis en cause par l’UE.
Jean Fluchère
3)
« Une taxonomie qui défavoriserait économiquement les pays mettant en œuvre le nucléaire pour la production d’électricité devrait être proscrite car particulièrement injuste économiquement. Elle favoriserait le développement excessif des énergies intermittentes qui auront besoin inévitablement du back-up du gaz. Certes, momentanément, en remplaçant le charbon, l’utilisation du gaz constitue une avancée pour la réduction des émissions d’un pays comme l’Allemagne, qui construit le gazoduc Nord Stream 2, mais constitue, à moyen et long terme, un obstacle considérable sur le chemin conduisant à la neutralité carbone de l’Europe. Et le gaz est une ressource limitée dans le temps. Il y a une extrême urgence pour le climat, à agir pour diminuer massivement les émissions de CO2 des pays les plus développés, des pays européens notamment, qui ont une responsabilité majeure dans le domaine. Pour cela Il faut se baser sur des technologies matures. Et il n’existe pas aujourd’hui de manière fiable d’assurer l’approvisionnement en énergie décarbonée des populations européennes en se passant de l’électronucléaire. »
JYG
4)
« Comment s’étonner des positions prises par le groupe d’experts technique (TEG) sur nucléaire et gaz d’une part, et énergies renouvelables d’autre part. Nous sommes face à des représentants de la finance « développement durable », qui a parfaitement compris que des énergies massivement soutenues par des fonds publics et bénéficiant d’une garantie absolue d’achat de leur production à prix fixé sont bien plus rentables que des productions qui doivent se battre sur le marché.
Le TEG représente une économie qui s’est construite sur de gigantesques bénéfices : en France la Commission de régulation de l’énergie a constaté que les taux de rentabilité sur fonds propres des investissements dans l’éolien et le solaire étaient abusifs, voire scandaleux, non justifiés car sans prise de risque industriel réel.
Plus gênant encore, mais c’est une habitude européenne, ce TEG a été conseillé par une ONG, WWF, et un bureau d’experts (WISE), tous deux connus comme violemment antinucléaires.
Or, comme beaucoup des intervenants à cette consultation, nous devons constater que la taxinomie proposée n’est pas prioritairement construite pour préserver le climat, mais pour promouvoir les industries dites « vertes » et continuer à engranger des bénéfices considérables. Qui paiera : les citoyens européens auxquels l’Europe veut imposer une politique à l’allemande ou à la danoise, c’est-à-dire celle de pays émetteurs de CO2 importants, et qui ont imposé à leurs nationaux une électricité extrêmement coûteuse.
Le Parlement européen doit, en urgence, mettre le nucléaire dans la taxinomie car n’émettant quasiment pas de CO2 dans l’ensemble de son cycle de vie. Encourager un mix renouvelable/gaz dans la production d’électricité, est une aberration environnementale et économique et nous mettra à la merci de fournisseurs de gaz peu nombreux et puissants (Russie en particulier) : tant pis pour l’indépendance économique de l’Europe.
L’Europe doit donner priorité aux énergies non carbonées et les financer de manière équitable, nucléaire inclus. Elle doit préserver un niveau d’indépendance suffisant, assurer la solidité de notre fourniture d’électricité, et donner à chaque pays la responsabilité, au titre de la subsidiarité, de faire de son mieux avec ses atouts. Qu’elle fixe des objectifs GES équilibrés et s’abstienne de fixer des objectifs techniques. »
JP Pervès (n°2)
5)
Je trouve surprenant et choquant que l’Union Européenne envisage de ne pas inclure le nucléaire dans sa taxonomie verte alors que l’UE reconnait que le nucléaire n’émet pas de CO2 (ou du moins en émet très peu) et ceci au motif que les déchets ne remplirait pas le critère « Do No Significant Harm ».(The TEG assessed nuclear energy as part of its review on energy generation activities. Nuclear energy generation has near to zero greenhouse gas emissions in the energy generation phase and can be a contributor to climate mitigation objectives. Consideration of nuclear energy by the TEG from a climate mitigation perspective was therefore warranted et Evidence on the potential substantial contribution of nuclear energy to climate mitigation objectives was extensive and clear. The potential role of nuclear energy in low carbon energy supply is well documented) Les déchets en Europe , et ce depuis des dizaines d’années n’ont fait aucun mort ou blessés. Pour moi de toute évidence le groupe d’expert TEG qui a décidé que le nucléaire ne répond pas, pour l’instant, aux critères est un groupe politiquement orienté qui comprend dans ses rangs des membres d’ONG violemment anti-nucléaire (Wise et WWF notamment) et ceci suffit à mettre en doute son avis sur le nucléaire. Un des points mentionné « Yet nowhere in the world has a viable, safe and long-term underground repository been established » est surprenant alors que au moins 3 pays (Suède, Finlande et France) ont des projets très avancés de stockage géologique. Faudra t il attendre par exemple les 100 ans prévus pour fermer le site de Bure dans le projet français pour considérer que c’est safe et DNSH? Le climat ne peut attendre 100 ans. L’UE se déconsidérera définitivement pour son Green Deal si elle n’admet pas le nucléaire (reconnu comme impératif dans la plupart des scénarios du GIEC pour rester à moins de +1.5 degré, comme par l’IEA) dans sa taxonomie verte  
Gérard Grunblat
6)
Depuis plus de 15 ans, la politique énergétique de l’Europe fondée sur le développement à marche forcée des énergies renouvelables est un désastre qui continue à s’amplifier en 2020. La première directive européenne concernant les énergies renouvelables date de 2003. Alors que la France avait mené depuis 40 ans une politique indépendante et cohérente, la Commission Européenne a décidé d’imposer des directives motivées par des à priori idéologiques et ne tenant pas compte des spécificités de chaque pays. Cette première directive de 2003, fixant un objectif de 21% de la consommation intérieure brute à partir des sources d’énergies renouvelables en 2010, a été une imposture. Sous la pression de l’Allemagne et de lobbies écologistes anti-nucléaires influents à Bruxelles, et aussi de la passivité des négociateurs français, le nucléaire a été volontairement éliminé des énergies non émettrices de gaz à effet de serre (GES) alors… qu’il n’en émet pas. L’objectif de la directive était pourtant la lutte contre le réchauffement climatique. L’Europe a failli en excluant le nucléaire des énergies non émettrices de GES, et elle est responsable de centaines de milliards d’euros engloutis en pure perte (mais pas perdus pour tout le monde). Il appartient aux Etats, comme cela a été le cas pendant 60 ans, d’avoir la maîtrise de la politique énergétique de leur pays. La politique européenne menée depuis plus de 15 ans (mise en œuvre en France en 2012 avec le Grenelle de l’environnement) ne peut conduire qu’à un désastre pour la compétitivité de l’industrie française, et pour le niveau de vie des Européens. Les « dégâts acquis » par contrat devront être supportés par tous les Français pendant encore 20 ans. L’abandon de l’indépendance énergétique de la France serait plus qu’une faute, ce serait un crime.
Michel Gay
7)
La politique énergétique française fondée sur le nucléaire dans le secteur électrique obéit de manière exemplaire aux trois principaux objectifs de la politique communautaire : la sécurité d’approvisionnements, la compétitivité de la fourniture (avec les prix de l’électricité parmi les plus bas de l’Union européenne), et l’impératif climatique. Pourtant, la production d’électricité d’origine nucléaire fait l’objet de l’hostilité rampante des institutions européennes, alors qu’elles sont complaisantes vis-à-vis des choix de l’Allemagne (centrales au charbon). Cette attitude en dit long sur l’influence du principal pays opposé au nucléaire (l’Allemagne) et sur la ligne suivie par les institutions européennes en ce domaine. La nouvelle Commission européenne a annoncé en novembre 2019 son grand projet de « Green Deal », dont l’objectif principal est la neutralité carbone, mais le nucléaire n’a pas été inclus dans la liste des technologies qui pourront bénéficier de financements privilégiés de la Banque européenne d’investissement (BEI). De même, le nucléaire n’a pas été retenu non plus dans la « taxonomie » européenne par le Technical Expert Group (TEG) fixant la liste des technologies labellisées « durables » à destination des investisseurs, des marchés financiers et des banques publiques. Même si l’utilité du nucléaire est reconnue pour limiter les émissions de CO2, ce TEG annonce dans un langage sibyllin qu’il n’a pas pu conclure que la filière nucléaire « ne cause pas de préjudice significatif à d’autres objectifs environnementaux sur les échelles de temps concernées ».Il ne respecterait pas le critère de « Do not significant harm » (non-préjudice significatif) du fait de l’absence de risque zéro en matière de gestion des déchets nucléaires dans la durée… Le nucléaire est irrémédiablement pénalisé par l’exigence implicite du risque zéro qui, manque totalement de rationalité objective. Toute activité étant risquée, cette raison est infondée, à moins que la volonté sous-jacente soit de paralyser cette activité dans une logique anti-nucléaire. Pourtant, les conclusions du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019 reconnaissaient aux États-membres la légitimité de recourir au nucléaire (même si c’était en termes feutrés pour complaire aux pays hostiles au nucléaire) : « Le Conseil européen est conscient de la nécessité d’assurer la sécurité énergétique, et de respecter le droit des États-membres de décider de leur bouquet énergétique et de choisir les technologies les plus appropriées. Certains États membres ont indiqué qu’ils recourent à l’énergie nucléaire dans le cadre de leur bouquet énergétique national ». Mais fin décembre 2019, le nucléaire s’est avéré être le grand absent des technologies qui pourront être soutenues par l’accès au financement privilégié de la Banque européenne d’investissement grâce au « Green Deal », contrairement aux EnR. De plus le 15 janvier 2020, le vote d’une résolution du Parlement européen ne reconnaît aucun rôle à l’énergie nucléaire dans le Green Deal. Plusieurs autres pièges sont en train de se refermer sur le nucléaire de la France. Parmi eux, la définition d’objectifs croissants de part de production d’ENR, sans rationalité économique, en plus de l’absence de neutralité entre les technologies bas-carbone pour bénéficier de financements privilégiés et de dispositifs de garanties de revenus. À ceux-ci s’ajoute l’affaiblissement délibéré d’EDF et des grands énergéticiens par la Commission européenne dans le but de limiter leur position dominante, alors qu’ils sont seuls capables de porter de grands investissements en technologie bas-carbone en Europe. Le Traité de Lisbonne (2007) a préservé la souveraineté des États-membres pour décider de leur mix énergétique (article 194, alinéa 2). Un étouffement du système de production nucléaire français serait-il volontairement recherché pour complaire aux idéologues du tout « EnR » ?
Michel Gay (n°2)
8)
La taxonomie verte est une heureuse initiative encore faut-il ne pas perdre son objectif : réduire les émissions des GES. Dans cette mesure, l’électronucléaire, qui pèse 25 % de l’énergie electrique produite en Europe et qui n’émet quasiment pas de GES (12g CO2eq/kWh), occupe une place primordiale. Il a toute sa place, notamment pour assurer la continuité de la fourniture électrique appelée à se développer, aux côtés des EnR à production erratique qui imposent un back-up permanent de moyens fiables et flexibles. Y renoncer, c’est s’en remettre aux productions très carbonées : gaz (490 g de CO2eq/kWh) et lignite -charbon (1000 g de CO2eq/kWh). Il faut aider l’Allemagne à sortir de son impasse. La taxonomie devrait y contribuer. le lignite et le charbon une place majeure.
9)
Le GIEC et l’AIE rappellent systématiquement que le monde aura besoin de toutes les technologies bas carbone, dont le nucléaire constitue une partie importante et incontournable de la solution. En Europe, il constitue même la première source d’électricité bas carbone (source : ENTSO-E) et les scénarios européens de décarbonation promus par l’UE incluent 15 % de nucléaire dans le mix électrique du continent en 2050, soit 110 GW de puissance installée. Dans ces conditions, ne pas inclure cette énergie, parfaitement maîtrisée en Europe depuis plus d’un demi-siècle sans effets délétères, serait donc incompréhensible, alors que la neutralité carbone en 2050 a été érigée en objectif prioritaire par l’Europe entière. On ne peut pas vouloir la fin et se priver d’un moyen essentiel pour l’atteindre. Car il n’y a pas d’autre source d’énergie bas carbone qui soit à la fois pilotable et disponible à très grande échelle. D’autant plus que la technique de captage et stockage du dioxyde de carbone (CCS) mise en avant et qualifiée par le TEG de « technologie-clef » pour décarboner l’Europe, en est aujourd’hui au stade d’installations pilotes, très éloignées de l’industrie, aux coûts très élevés et qui pose en outre des questions redoutables de sécurité de stockage du CO2 et d’acceptation sociale de ces stockages, très loin d’être résolues. Comment peut-on dans ces conditions envisager d’exclure une technologie indispensable largement éprouvée, le nucléaire, et inclure une technologie balbutiante, qui n’offre aucune certitude réaliste d’efficacité à ce jour ? Ce serait totalement incohérent.
Georges Sapy
10)
CFE-CFC
17 avril 2020
L’Union Européenne, par le « Green Deal », a confirmé sa volonté de parvenir à l’horizon 2050 à une économie neutre en carbone, et, pour aller au-delà des vœux pieux, de tracer une feuille de route concrète et responsable pour y parvenir. Le règlement sur la taxonomie est le moyen de mettre en place un cadre orientant les investisseurs et facilitant des flux d’investissement importants vers les innovations, les technologies et les projets les plus pertinents pour permettre d’atteindre cet objectif. En tant qu’organisation représentative de salariés du secteur de l’énergie, second syndicat du secteur en France, membre des fédérations syndicales européennes EPSU et Industriall, la CFE-CGC Énergies souhaite légitimement apporter dans le document ci-joint sa contribution à l’évaluation du Technical Expert Group (TEG) sur la taxonomie et relayer un certain nombre de critiques ou d’inquiétudes exprimées par ses mandants concernant : • Le non-respect de la neutralité technologique bas carbone, • L’exclusion « à ce stade » du nucléaire de la taxonomie dite verte, • Les contraintes irréalistes sur le gaz et l’hydroélectricité, • La responsabilité des États dans leur mix énergétique, • La prise en compte des aspects sociaux et stratégiques par les critères DSNH.
11)
Le nucléaire est aujourd’hui la première source d’électricité non carbonée européenne, deux fois plus importante que l’éolien ou l’hydraulique, huit fois la production du solaire. Or il n’a pas sa place dans la politique Energie-Climat, et en particulier dans le nouveau « Pacte Vert » européen. Son apport diminue depuis 2004. Les statistiques européennes d’Eurostat montrent que, pour la lutte contre le réchauffement climatique, la décélération de l’apport de l’atome n’a pas été compensée par l’accélération, pourtant considérable, de l’apport des renouvelables. Les émissions de gaz à effet de serre ramenées à la consommation d’énergie continuent de baisser, mais moins vite qu’avant 2004, malgré 800 milliards d’euros d’investissements en quinze ans pour les renouvelables. Cette très grave contre-performance a des conséquences catastrophiques. Le rôle du nucléaire dans le Pacte Vert européen doit être réexaminé. Sinon l’objectif de l’Union Européenne, la neutralité carbone, ne sera pas obtenue en 2050. Pour essayer de l’atteindre, les Gouvernements seront tentés d’instaurer des mesures drastiques qui augmenteront les prix de l’énergie, des carburants et du chauffage au risque de provoquer des troubles sociaux.
12)
La SFEN salue cette consultation sur le règlement délégué faisant suite aux conclusions du groupe d’experts technique (TEG) sur la finance durable. Cette classification établit un langage commun pour les investisseurs en vue de répondre aux exigences européennes de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions de carbone d’ici 2050. Concernant l’atténuation du changement climatique, le TEG, reconnait que le nucléaire « n’émet presque pas de gaz à effet de serre lors de sa phase d’exploitation » et à ce titre « peut contribuer aux objectifs d’atténuation ». La SFEN rappelle que le bon indicateur est la quantité d’émissions sur le cycle de vie complet (ISO 14044) de l’installation, de sa construction au démantèlement, et la gestion des déchets : ces règles doivent s’appliquer de manière égale à l’ensemble des énergies, y compris aux renouvelables, qui semblent en être exemptées. Le nucléaire émet en moyenne 12g CO2/kWh sur l’ensemble de son cycle de vie (GIEC). Cette valeur tombe à 6g CO2/kWh en France (base ADEME). Cette performance a permis à la France d’exporter 84 TWh d’électricité bas-carbone en 2019 (RTE), et de contribuer à la décarbonation de ses voisins. La SFEN remarque que le TEG estime simplement, quand il parle du nucléaire, première source d’électricité bas-carbone dans l’UE (ENTSO-E), qu’il « peut » contribuer aux objectifs d’atténuation, alors que, quand il s’agit de la technique de captage et stockage de dioxyde de carbone (Carbon Capture and Storage, CCS), aujourd’hui non déployée, il parle d’une « technologie-clef » pour la décarbonation de l’Europe. Le GIEC, comme l’AIE, estiment que le monde n’atteindra pas ses objectifs sans l’utilisation de toutes les technologies bas-carbone. Pour rappel, dans ses scénarios de décarbonation, l’UE aura besoin de 15% de nucléaire dans son mix électrique en 2050. La SFEN s’étonne que le TEG n’ait pas conclu à l’inclusion du nucléaire, au motif qu’une expertise supplémentaire serait nécessaire sur le critère du « Do Not Significant Harm » (DNSH). Pourtant, les impacts sanitaires et environnementaux du cycle de vie des activités nucléaires ont déjà fait l’objet de nombreuses études de référence (Nuclear and Sustainable Development, AIEA). Le corpus scientifique existant permet de conclure que l’industrie nucléaire satisfait déjà l’exigence DNSH sur l’ensemble des critères étudiés. L’activité nucléaire est par ailleurs déjà soumise à l’exigence DNSH au sein de l’UE par la Directive 2011/70/Euratom. Là encore, alors qu’il estime ne pas pouvoir conclure sur le nucléaire, le TEG conclut directement la sûreté du stockage final du CO2 dans le cas du CCS sur la base de l’existence de standards internationaux et de pilotes industriels. Le stockage géologique des déchets nucléaires bénéficie d’au moins autant de standards internationaux et de pilotes industriels avec retour d’expérience en Europe, et devrait donc être inclus pour les mêmes raisons. Dans la précédente consultation (septembre 2019), des parties prenantes ont demandé l’inclusion de l’énergie nucléaire ou une plus grande reconnaissance de son rôle (page 209 de l’annexe). La SFEN regrette que les résultats de cette consultation n’aient pas fait l’objet d’un compte rendu détaillé et que ces remarques n’aient pas été prises en compte. En conclusion, la SFEN souhaiterait que la Commission apporte des éclaircissements sur ces points et demande avec force que de nouveaux travaux d’évaluation spécifique au nucléaire soient conduits sur des bases scientifiques et transparentes. Il est nécessaire que ces travaux s’inscrivent dans un calendrier permettant l’inclusion du nucléaire dès la première publication de la taxonomie. Enfin ils devront être conduits de manière rigoureuse et scientifique, en garantissant une complète transparence, notamment concernant la pluralité et la qualification de l’expertise, et une complète équité, en appliquant au nucléaire les mêmes critères que pour les autres énergies.
SFEN
13)
Le CEA, organisme de recherche public spécialisé dans les énergies bas-carbone, soutient la mise en place d’une « taxonomie » des investissements durables, destinée à orienter les financements vers une économie sobre en carbone et climatiquement neutre. Le groupe d’experts techniques (TEG) propose de dispenser certaines sources d’énergie dites « renouvelables » d’analyse du cycle de vie. Le CEA recommande que toutes les sources d’énergie sans exception soient évaluées sur leur cycle de vie afin de garantir la pertinence de l’outil réglementaire et la robustesse de son impact dans la durée. Le CEA souligne l’importance de cette rigueur méthodologique dans la qualité et la performance des choix technologiques. Tout choix a priori qui ne serait pas soutenu par des analyses de cycle de vie pourrait porter atteinte à la crédibilité de ce texte nécessaire. Le CEA soutient la mise en place d’un seuil d’émission de 100gCO2éq/kWh qui doit s’appliquer à l’intégralité du cycle de vie et à toutes les sources d’énergie. Concernant l’énergie nucléaire, contrairement à ce que laisse entendre le rapport définitif du TEG, la faiblesse des émissions de gaz à effet de serre ne concerne pas la seule phase d’exploitation des centrales mais l’entièreté du cycle de vie, avec une valeur médiane de 12 gCO2éq/kWh selon le 5e rapport d’évaluation du GIEC. L’analyse de cycle de vie aboutissant à ce résultat est une méthode d’évaluation normalisée depuis de nombreuses années (normes ISO 14040 & 44) et internationalement reconnue. Le CEA appelle à suivre les recommandations du TEG quant à la création d’un groupe d’experts chargé de statuer sur l’empreinte environnementale de l’énergie nucléaire – et notamment de ses déchets – au-delà des émissions de gaz à effet de serre. Le CEA souhaite souligner à cet égard qu’une partie significative du contrôle de l’impact environnemental de l’énergie nucléaire est encadrée strictement par la réglementation européenne, et notamment le chapitre 3 du traité Euratom. Le groupe d’experts devrait être constitué, selon le CEA, de spécialistes des Etats membres qui pourraient être issus des autorités de sûreté nationales, de leurs soutiens techniques, d’agences publiques en charge de la gestion des déchets radioactifs, d’organismes de recherche actifs dans les sciences et techniques nucléaires et la radioprotection, et soutenus par (ou en soutien à) des experts de la Commission européenne dans le domaine (comme par exemple : CCR, DG ENER, DG RTD). Sur la question des déchets radioactifs, le CEA souhaite rappeler que ceux-ci sont gérés nationalement selon de stricts protocoles et que leur gestion est encadrée et contrôlée par les autorités de sûreté nationales afin de minimiser le risque de pollution de l’environnement. En particulier, la gestion des déchets radioactifs intègre déjà des pratiques qui sont jugées nécessaires par la Commission au titre de la mise en œuvre du pacte vert, dans lequel s’inscrit l’exercice de taxonomie. En effet, selon l’article 4 de la directive européenne sur les déchets (2011/70) « chaque État membre est responsable, en dernier ressort, de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs qui ont été produits sur son territoire ». L’application de cette directive répond d’ores et déjà à l’objectif de lutter contre les exportations de déchets, tel qu’il est exprimé dans le plan d’action sur l’économie circulaire de la Commission européenne du 13 mars 2020.
CEA