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Présentation de notre série « Thomas Sankara, l’immortel » Episode 1 L’homme intègre Episode 2 Le patriote Episode 3 L’écologiste Episode 4 Le féministe Episode 5 L’anti-impérialiste
Thomas Sankara, l’immortel
Le capitaine burkinabé est devenu la référence de la jeunesse
africaine. Trente-deux ans après sa mort, ses idées sont plus vivantes
que jamais. Présentation de notre série.
Que
serait devenu Thomas Sankara ? Comment aurait vieilli le capitaine
panafricain qui mena la révolution au Burkina Faso de 1983 à 1987 ? Le
leader charismatique n’est plus là, mais il a légué un héritage qui ne
s’évalue ni en réserves d’or ni en palais somptueux. Ce qu’il a laissé à
ses héritiers, d’Afrique ou d’ailleurs, c’est l’image d’un président
panafricain et tiers-mondiste, un homme intègre et pragmatique qui a
dessiné un projet de société et l’a mené, même si ce fut à marche forcée
et au prix de certaines libertés.
Thomas
Sankara a prouvé que venir d’un des pays les plus pauvres au monde
n’empêchait ni d’être ambitieux ni d’être digne. Les Burkinabés en
conservent une fierté. De Ouagadougou à Bobo Dioulasso, le sourire du
capitaine se retrouve aujourd’hui sur des tee-shirts, des autocollants,
des pagnes. Dans les esprits, Sankara reste vivant. Il a survécu à la
« rectification », cette campagne initiée par Blaise Compaoré qui lui a
succédé et dont le but était d’effacer toute trace de lui.
« Nous voulions le venger »
« Tuez Sankara, des milliers de Sankara naîtront ! »,
avait prédit le leader révolutionnaire. « Thom’ Sank’», comme on le
surnomme, est revenu sur le devant de la scène à la faveur de
l’insurrection de 2014 au Burkina Faso. Celle-ci est née d’un mouvement
populaire destiné à rejeter la révision constitutionnelle qui aurait
permis à Blaise Compaoré de se présenter pour un cinquième mandat après
vingt-sept ans de règne. Les manifestants étaient alors animés par une
forte volonté de dégagisme politique mais pas seulement. « L’esprit de Thomas Sankara était là, au milieu des cortèges, se
souvient Eric Kinda, porte-parole du Balai citoyen, un mouvement issu
de la société civile qui a joué un rôle décisif en 2014. Son nom
revenait sans cesse dans nos débats et nos discussions. Il nous guidait,
nous motivait. Si cette insurrection a abouti, c’est aussi parce que
nous voulions le venger. »
Blaise
Compaoré, exilé en Côte d’Ivoire où il a acquis la nationalité
ivoirienne, est le principal suspect dans l’assassinat de son ancien
frère d’armes. Depuis sa chute, une enquête a été ouverte et vingt-trois
personnes ont été inculpées, dont le général Gilbert Diendéré, homme de
confiance de l’ex-président Compaoré. Il est poursuivi pour « atteinte à la sûreté de l’Etat, séquestration, terrorisme et crime contre l’humanité ».
Deux mandats d’arrêt internationaux ont par ailleurs été émis à
l’encontre de Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, pour « meurtre » et
« complicité d’attentat ». Ce dernier est accusé d’être le chef du
commando de six militaires qui a tué Sankara et douze de ses
collaborateurs, le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente de
Ouagadougou. Un procès doit se tenir en 2020, le Burkina Faso veut
savoir.
Si
Thomas Sankara reste présent dans les esprits, c’est aussi parce que la
situation sécuritaire de son pays s’est gravement détériorée. Depuis
début 2015, les attaques attribuées à l’organisation Etat islamique au
grand Sahara (EIGS), Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), Ansaroul
Islam et les conflits intercommunautaires ont fait quasiment 700 morts
et 500 000 déplacés. Les Burkinabés regrettent l’époque où leur pays
était sous la protection de ses Comités de défense de la révolution
(CDR), chargés d’exercer le pouvoir au nom du peuple, même s’ils ont entraîné parfois des dérives et un climat oppressant au cours de l’année 1987.
Les
idées sankaristes ont dépassé les frontières de l’ancienne Haute-Volta,
rebaptisée par Sankara Burkina Faso, littéralement « pays des hommes
intègres » en moré et en dioula, les deux principaux idiomes du pays.
Figure de l’anti-impérialisme et farouche défenseur de la libération des
peuples, Thomas Sankara est cité comme le président de référence de la
jeunesse africaine, chanté sur des airs de reggae par les Ivoiriens
Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, cité dans les raps du Burkinabé
Smockey ou du Sénégalais Didier Awadi, qui a même lancé un appel pour
que l’idéologie sankariste soit enseignée dans toutes les écoles du
continent. En France, il a aussi ses fans comme le rappeur Nekfeu qui,
dans son titre Vinyle, promet : « J’peux devenir un homme en or comme Sankara. » Enfin,
à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), c’est une fresque de 33 mètres qui lui
rend hommage sur le mur d’un immeuble de la cité Pierre-et-Marie-Curie.
« Oser lutter, savoir vaincre »
Le
capitaine burkinabé est perçu comme le « Che Guevara africain », celui
qui s’est dressé contre les injustices, celles des puissances
occidentales et de leurs multinationales. A l’heure où un sentiment
antifrançais se propage dans le Sahel, jusqu’à demander le retrait des
militaires français de l’opération « Barkhane », ses discours
anticolonialistes refont surface : « Un peuple conscient ne saurait
confier la défense de sa patrie à un groupe d’hommes quelles que soient
leurs compétences. Les peuples conscients assument eux-mêmes la défense
de leur patrie. »
Et
ailleurs ? Dans un monde où du Chili au Liban et de la France à l’Irak,
les citoyens dénoncent, souvent violemment, les collusions entre les
élites économiques et politiques, on retient de Thomas Sankara l’image
d’un président obsédé par la bonne gouvernance et l’exemplarité de son
gouvernement. Celui qui préférait « faire un pas avec le peuple que 1 000 pas sans le peuple »
a réduit drastiquement le train de vie de l’Etat pour construire des
hôpitaux, des écoles, des puits, lancer des campagnes de vaccination…
Aujourd’hui, son portrait apparaît régulièrement au cœur des
manifestations. A Bordeaux comme à Dakar ou à Bamako, le capitaine
surgit parfois avec son béret rouge orné d’une étoile. Ses slogans ont
traversé les luttes : « Quand le peuple se met debout,
l’impérialisme tremble », « Oser lutter, savoir vaincre », « Seule la
lutte libère », « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple »…
Abattu à 37 ans par des rafales de kalachnikov, « Thomas Sankara est devenu une icône, un mythe, assure Francis Simonis, maître de conférences « Histoire de l’Afrique » à l’université d’Aix-Marseille. Sa
mort violente donne de lui une image quasiment christique qui a fait
oublier certains aspects plus sombres de sa révolution. » Alors qu’il aurait eu 70 ans, Le Monde Afrique s’est
intéressé à son côté visionnaire, lui le protecteur de l’environnement,
le défenseur de l’émancipation des femmes, le promoteur de projets de
développement… « On peut tuer un homme mais pas ses idées », disait Sankara. Trente-deux ans après sa mort, elles semblent plus vivantes que jamais.
Sommaire de notre série « Thomas Sankara, l’immortel »
Trente-deux
ans après sa mort, le capitaine burkinabé est devenu la référence de la
jeunesse africaine. Alors qu’il aurait eu 70 ans, Le Monde Afrique s’est intéressé à son côté visionnaire.