Covid-19 : pourquoi les chiffres de réanimation sont à prendre avec précaution

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FRANCE

Par LEXPRESS.fr ,
Un malade du Covid-19 en réanimation à l'hôpital Robert Boulin de Libourne, dans le sud-ouest de la France, le 6 novembre 2020

Un malade du Covid-19 en réanimation à l'hôpital Robert Boulin de Libourne, dans le sud-ouest de la France, le 6 novembre 2020

afp.com/Philippe LOPEZ

Chaque jour, Santé publique France publie le nombre de personnes admises dans des services de réanimation, selon des critères spécifiques qui portent à confusion.

C'est un indicateur qui est scruté de près par le gouvernement pour évaluer l'avancée de l'épidémie de coronavirus dans le pays et ainsi prendre les mesures nécessaires pour casser sa dynamique. Chaque jour, Santé publique France dévoile le nombre de personnes actuellement admises dans les services de réanimation dans l'Hexagone.  

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Lundi, 31 125 patients atteints de Covid-19 étaient ainsi hospitalisés en France, dont 4690 dans des services de réanimation, soit 163 de plus que la veille pour la réa. Mais ce nombre s'avère à plusieurs égards imparfait. 

Un taux d'occupation erroné 

D'abord, comme l'indique le site du gouvernement, qui recense les différents indicateurs sanitaires en France, le taux d'occupation des lits en réanimation s'élève actuellement à 92,5%. Cependant, ce calcul est réalisé à partir de la capacité initiale des hôpitaux dans les services de réanimation, qui est habituellement de 5000 lits. Sauf qu'après l'arrivée de la seconde vague, le gouvernement a peu à peu augmenté cette capacité.  

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La capacité totale d'accueil en réanimation et soins intensifs a ainsi été portée de 5000 à 6400 lits, avec un objectif à 7500 ces jours-ci, qui pourrait encore être relevé à 10 500 lits. Cela signifie que le taux d'occupation des lits en réanimation tourne plutôt autour de 73%, au lieu des 92,5% affichés par le site du gouvernement. Le cabinet du ministère de la Santé explique au Monde que ce choix a été fait pour évaluer la "pression" de l'épidémie sur l'hôpital. Cet indicateur permet également de faire fluctuer les capacités d'accueil de manière préventive. 

Une définition pas assez précise 

Autre écueil : la définition même du patient en réanimation est sujette à débat. Santé publique France recense tous les jours le nombre de personnes en réanimation à partir du système d'information pour le suivi des victimes d'attentats et de situations sanitaires exceptionnelles (Sivic), une base de données hospitalière qui permet d'avoir accès à plusieurs informations : l'identité du patient pris en charge, la prise en charge (hospitalière ou médico-psychologique) du patient et la personne à contacter, comme l'indique le site de l'Agence numérique en santé

Une fiche contact est à chaque fois créée pour les patients infectés par le Covid-19, précise Le Monde. Le diagnostic est effectué après un test PCR ou un scanner du thorax. Une distinction est faite entre la réanimation et la simple hospitalisation. Cependant la dénomination "réanimation" est plus complexe qu'elle n'en a l'air. Elle correspond en réalité aux "soins critiques". Cette unité, qui regroupait 19 326 lits en 2018 , selon la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (Drees), se décompose en trois services distincts : la réanimation (5432 lits en 2018), les soins intensifs (5832 lits en 2018) et la surveillance continue (8062 lits en 2018), comme le précise Santé publique France dans ses points épidémiologiques quotidiens.  

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Le nombre de personnes en réanimation mis à jour quotidiennement par Santé publique France est en réalité le nombre de personnes en "soins critiques". Ainsi, la répartition des patients dans les différents services n'est pas précisée. Cela signifie qu'un patient placé en réanimation, selon les données de Santé publique France, ne sera pas forcément dans un service de réanimation au sens strict du terme, mais peut très bien être admis en surveillance continue ou en soins intensifs. 

Le passage d'un service à un autre facilité

Selon CheckNews, le passage d'un service à un autre se fait régulièrement en fonction de l'avancée de l'état du patient. "L'unité de soins continus ou de soins intensifs va prendre un patient Covid qui n'a qu'une monodéfaillance respiratoire et qui a besoin d'être surveillé de manière intensive ou de bénéficier de moyens non invasifs d'assistance respiratoire. S'il a besoin d'assistance respiratoire lourde ou de prise en charge de pluridéfaillances, il devra être placé en réanimation. Mais ce ne sera pas forcément le cas", détaille Benoît Veber, responsable de la réanimation chirurgicale du CHU de Rouen, auprès de CheckNews.  

Selon Santé publique France, cette distinction n'a pas d'importance, car le but est d'évaluer le nombre de patients qui se trouvent dans un état grave, rapporte Le Monde. Cependant, le taux d'occupation de lits en réanimation est calculé à partir du nombre de patients admis en "soins critiques" et non dans les seuls services dits "de réanimation".