Comment les Allemands se sont piégés eux-mêmes en dénucléarisant et en devenant dépendants du gaz russe

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Russie

Tout d’abord, il faut savoir que, quoi qu’il arrive, la facture de gaz des Européens non producteurs ne cessera d’augmenter et que, si l’on ne veut pas mourir de froid, mais surtout affaiblir nos industries, nous allons devoir freiner nos critiques et faire le dos rond. Cela car, si depuis longtemps il n’y a plus d’eau dans le gaz, il y a maintenant de la géopolitique, et après la Russie aujourd’hui , l’Asie en rapide développement viendra demain troubler nos approvisionnements.

 

Évolution des positions allemandes

Il y a quelques semaines, le chancelier allemand Olaf Scholz annonçait qu’en cas d’intervention militaire de la Russie contre l’Ukraine, la date de mise en route du gazoduc NordStream2, qui attendait sa dernière autorisation, serait remise en cause. Un Scholz qui ne faisait que suivre les instructions de sa ministre verte des affaires étrangères Annalena Baerbock qui s’était toujours opposée à ce projet.

L’erreur assez grossière commise par les Allemands fût de croire que ce gazoduc était un moyen de pression contre Poutine, alors qu’en réalité ce gazoduc est un moyen de pression de Poutine contre les Européens. L’Allemagne ne possédant aucun terminal de gaz naturel liquéfié équipé pour regazéifier le gaz de schiste américain, elle se retrouve aujourd’hui face à un dilemme : comment ne pas perdre la face et maintenir ses industries chimiques, sidérurgiques et agroalimentaires actives.

 

Histoire des guerres des gazoducs

L’accès et l’acheminement des énergies fossiles a toujours été le déclencheur de conflits. Depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux conflits syrien et ukrainien, cela ne cesse de se confirmer.

 

Coût du gaz 

Il est composé de l’achat de gaz naturel auprès des producteurs et du coût de transport, dont les droits de passage (tels le péage à l’Ukraine) jusqu’à nos frontières. La France n’ayant quasiment pas de gaz sur son territoire importe donc près de 100 % de sa consommation de gaz naturel.

Enfin, il faut aussi comprendre qu’il est beaucoup plus coûteux d’extraire du gaz de schiste, produit essentiellement aux États-Unis que du gaz naturel, aujourd’hui russe, qatari ou azéri. Les Russes et les Américains ont donc un intérêt flagrant à voir monter le prix du gaz, les Américains pour couvrir les coûts d’extraction, et les Russes pour leur balance commerciale.

La clef est qu’il faut des usines pour regazéifier ce GPL américain, et l’Europe est pour le moment sous-équipée pour envisager de remplacer le gaz russe par du gaz de schiste américain.

 

Crise ukrainienne de 2013

Rappelons tout d’abord la crise ukrainienne qui a débuté en novembre 2013 à cause de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer l’accord d’association avec l’Union européenne. Cette décision fut le déclencheur de ce mouvement visant à éloigner l’Europe de l’ouest de la Russie.

Cette crise généra des manifestations de très grande ampleur, manifestations manipulées ou pas et par qui, là n’est pas la question. En réaction, la Crimée proclama alors son indépendance et vota pour son rattachement à la Russie, rattachement qui fut reconnu par la Russie et qui provoqua une crise diplomatique internationale.

 

Crise syrienne

Nous ne reviendrons pas sur la crise syrienne, conflit qui fit suite et, c’est peut-être une coïncidence au choix de Bachar El Assad, de retenir le projet de gazoduc dit « islamique » qui concurrençait le projet Qatar Arabie saoudite.

 

Où en sommes-nous aujourd’hui sur ce marché du gaz et sur les gazoducs pour l’acheminer ?

Le gazoduc Nabuco (origine Azerbaïdjan qui représente 10% des réserves russes) a été abandonné.

Le gazoduc South Steam qui devait approvisionner l’Europe du Sud via la Mer noire, a été abandonné en 2014 sous la pression de l’Union européenne.

À cause de ces mauvaises décisions, ils furent remplacés par les projets :

– Le projet caucasien ou Trans Adriatique Pipeline ou TAP en Europe qui relie Bakou aux côtes italiennes. Un corridor composé de trois gazoducs. Le premier entre l’Azerbaïdjan et la Géorgie prolongé par le Tanap ou trans-Anatolien traversant la Turquie, et qui se termine par ledit TAP reliant la région Ionnina en Grèce à San Foca en Italie. Ce gazoduc mis en service fin 2021 devrait acheminer 10 milliards de mètres cubes de gaz par an.

La France, qui veut se décarboner, semble étonnamment absente de ce projet important pour le Caucase. Un projet financé par l’Italien Snam, le Britannique BP, l’Azerbaidjanais Socar, le Belge Fluxys, l’Espagnol Enagas, et le Suisse Axpo.

Les États-Unis étant devenus autosuffisants pour leurs approvisionnements en énergie ont, semble-t-il, perdu tout intérêt pour le Caucase, ce qui ne devrait pas être le cas de la France. Une France présente dans la région grâce essentiellement au groupe Bouygues présent au Turkménistan.

TurkStream (Turco-Russe) qui pourrait approvisionner (environ 30 milliards  m3) bien sûr la Turquie, mais aussi l’Europe du Sud-Est et les Balkans, dont la Bulgarie, et la Hongrie. Ce projet reconnectera la Turquie à la Russie et concurrencera le projet EastMed (environ 10 milliards de mètres cubes) qui devrait relier les champs de gaz d’Israël et de Chypre à l’Europe continentale.

 

Autres projets

On notera aussi le projet assez étonnant de gazoduc entre la Norvège et la Pologne, alors que les réserves norvégiennes diminuent.

Enfin, le plus gros projet toujours pas mis en service, le Nordsteam2 qui relie déjà directement la Russie à l’Allemagne en passant par la Mer baltique. Trump avait bloqué la construction en faisant pression sur l’Allemagne, un des gros fournisseurs des États-Unis.  Il devrait acheminer près de 60 milliards de m3 de gaz par an. La société française Engie participe à ce programme.

Et enfin ne pas oublier la méga-usine de GNL, gaz naturel liquéfié, initiée dans l’Arctique par le gazier russe Novatek. Un chantier de 20 milliards de dollars en coopération avec les Chinois CNPC et CNOOC auxquels s’est joint en très minoritaire le Français Total.

Quant à l’Algérie, elle sera remplacée un jour en Europe du Sud par la Libye et MedStream.

 

Que s’est-il passé depuis cette guerre civile en Ukraine en 2013 et depuis la confirmation des excédents américains en 2014 ?

Alors que le gaz de schiste liquéfié coûte plus cher que le gaz naturel, les Européens ont formellement décidé, par sécurité, de diversifier leurs sources, et de construire des terminaux. Dunkerque en France a vu le premier terminal méthanier.

Il est aussi vraisemblable que les Britanniques construisent eux aussi un terminal méthanier pour importer du gaz des US en passe de devenir leur premier fournisseur global devant l’Allemagne.

Ces décisions ont été prises sous la pression de l’Ukraine qui avait vu ses approvisionnements en gaz coupés suite au conflit bien sûr, mais aussi à cause du défaut de paiements de factures.

Et aussi sous la pression de la Pologne très « allergique » aux Russes. Ce pays, qui est un gros producteur de charbon, vient de construire un gros terminal méthanier sur la côte baltique. Grâce à ce terminal, ce pays, qui importe 80% de son gaz de Russie, soit environ 10 milliards de m3 par an, va maintenant pouvoir diversifier ses sources et importer une partie de son gaz des États-Unis, son allié historique. La Pologne négocie aussi un contrat d’approvisionnement avec le Qatar.

 

Enfin quelques chiffres sur la production d’énergie

Les États-Unis, déjà leader de la production de gaz, sont également devenus le premier producteur de pétrole au monde. Selon la compagnie British Petroleum (BP), qui a publié récemment une étude sur l’énergie mondiale, la production américaine s’élève désormais à 14,9 millions de barils par jour (mbj), contre 11,4 millions pour l’Arabie saoudite, Arabie qui descend une marche du podium, après des décennies de règne, 4,8 pour le Canada, 4,5 pour l’ Irak, 3,8 pour la  Chine et 3,8 pour l’Iran, sans oublier le Canada, un autre gros producteur.

 

Enfin un petit rappel sur les relations entre l’Occident et cette grande URSS devenue une petite Russie qui a néanmoins 9 fuseaux horaires.

Il est bon de rappeler qu’après l’effondrement de l’URSS, deux possibilités s’offraient aux Occidentaux. La première, intégrer la Russie dans notre monde occidental, à l’OTAN, et activer un nouveau plan Marshall. La deuxième, démembrer cet empire et créer des animosités entre ces nouvelles républiques, afin que celles-ci aient des relations inamicales avec la Russie. Enfin qu’elles rejoignent, elles, l’OTAN et chassent la flotte russe de la Mer noire. Les réformateurs russes prêts à embrasser le libéralisme ont été oubliés dans l’équation.

Ce que les Occidentaux n’avaient pas envisagé, c’est que de nouveaux gouvernements « populistes » en Hongrie, Italie et ailleurs allaient se reconnaître dans les « valeurs russes » et que nombre de « laissés pour compte » de la mondialisation allaient voir la Russie comme le modèle anticapitaliste financier et anti abominations telles que mariage gay, immigration, etc.

 

Conclusion

L’énergie est le « sang » des économies, les Allemands et les Européens en se vassalisant semblent l’avoir oublié.