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Depuis le Grenelle de l’environnement en 2009, les plans pour la rénovation énergétique se sont succédés, à grand renfort de communication, accompagnés d’un astucieux plan marketing. Mais au final, pour quel résultat ?
Savez-vous combien de plans pour la rénovation du logement ont été proposés depuis l’arrivée de la présidence de M. Macron ? 3 , en 2017, 2018 et le tout dernier en 2021 !
Alors, vous allez me dire : « voilà un gouvernement qui s’intéresse véritablement au sujet. » Sauf, qu’en y regardant de plus près, on est loin d’atteindre les objectifs. On va vous expliquer pourquoi ci-après…
France Rénov, un nouveau dispositif, pas si nouveau !
Conférence de presse, des papiers et sujets sur tous les médias? Voilà une communication à nouveau réussie. Pour nous annoncer quoi ?
France Rénov’ : à compter du 1er janvier 2022, la fusion du réseau Faire, jusqu’à aujourd’hui animé par l’Ademe (Agence de la transition écologique) et celui de l’Anah (Agence nationale de l’habitat) et sera ainsi le « point d’entrée unique pour tous les parcours de travaux ».
Mon Accompagnateur Rénov’ : un professionnel pour « guider les ménages de bout en bout de leur parcours de travaux ». Il aura pour vocation à « simplifier le parcours de travaux des ménages, grâce à un suivi pluridisciplinaire tout au long du projet le cas échéant », promet le ministère du Logement. Avec, pour les conseillers une « connaissance parfaite des aides et des services disponibles, sur les plans local et national. »
On nous assure que « les informations et conseils délivrés par France Rénov’ seront neutres, gratuits et personnalisés, afin de sécuriser le parcours de rénovation énergétique. »
Pour déployer ce dispositif, on aura à disposition :
- Une plateforme web (france-renov.gouv.fr)
- Un numéro de téléphone national unique (0 808 800 700)
- Un réseau de plus de 450 guichets uniques « Espaces Conseil France Rénov’ »,
Et pour à nouveau simplifier l’aide au financement de ces travaux « l’aide Habiter Mieux Sérénité destinée à soutenir la rénovation énergétique des ménages aux revenus les plus modestes, et prioritairement ceux habitant dans des passoires thermiques par une rénovation globale, devient MaPrimeRénov’ Sérénité. »
Un beau lifting, qui semble parfait pour mettre la rénovation thermique dans le droit chemin, sauf que…
Un dispositif aux ambitions (très) limitées
Déjà 10 ans d’argent jeté par les fenêtres
Nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, en 2011, Rue89 dénonçait déjà le flop du Grenelle de l’Environnement, et cela s’est confirmé par plusieurs rapports dont l’enquête Tremi 2018, ce constat en 2019 et plus récemment ce comité d’évaluation indépendant 2021. Si l’intention est bonne, les résultats de ces différents dispositifs sont non seulement mauvais mais souvent contre-productifs avec la mutiplication de pathologies suite à des malfaçons ; conséquences de l’attrait de nombreux escrocs affriolés par un marché tellement juteux !
« Ceux qui rechignent à payer la matière grise pour la réalisation d’une étude thermique, imaginent « gaspiller » leurs budgets alors qu’au contraire, une telle étude permettrait déjà de prioriser les travaux, et d’aller à l’essentiel » explique dans son rapport le comité d’évaluation indépendant 2021
Avec ces faibles résultats en matière d’impact carbone, et au regard des milliards d’euros dépensés, comment ne pas s’agacer de ces gaspillages !
RGE : Reconnu Garant de son Entreprise !
Le dispositif RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) avait pour but de former des professionnels (60 000 à ce jours) du bâtiment afin de pouvoir leur apporter plus de compétences en matière de rénovation. Sauf, que cela à contribuer à l’échec de la rénovation des bâtiments.
En effet, si vous êtes poseur d’isolant en laine minérale, poseur de fenêtre pvc ou même chauffagiste gaz, qu’allez-vous faire face à votre client en mal de rénovation énergétique ?
Ma bonne dame, pour votre problème « thermique », vous pouvez me faire confiance, j’ai la meilleure solution pour vous !
Vous voyez donc où on veut en venir ? Chacun tire sa couverture à lui, sans se soucier véritablement de la problématique globale de rénovation du bâti, qui demande une vision d’ensemble, réalisée par un professionnel de confiance, indépendant !
Un sujet que nous avons déjà abordé ici et là.
Alors, certes, le gouvervenement semble avoir compris la problématique en créant un joli métier, celui d’Accompagnateur Rénov’ !
Quelles sont les compétences des Accompagnateurs Rénov’ ?
Et là on va toucher à une corde très sensible, car la bataille est rude pour obtenir le titre ! Que ce soit chez les architectes, les maîtres d’oeuvre, les diagnostiqueurs, les thermiciens, les délégataires des CEE, et même la Poste, c’est la course à l’échalotte, chacun se prétendant apte à jouer ce rôle.
Mais au final, qui a la véritable compétence de terrain pour faire ce diagnostic sur le bâti et les matériaux ? Si certains disposent d’une partie des connaissances, aucun n’a acquis le panel total, pourtant nécessaire pour tendre vers les meilleurs résultats possibles.
Pourtant, le gouvernement a tranché, en donnant, dans un premier temps, la compétence aux Espaces Conseil FAIRE et aux Points rénovation information de l’Anah (PRIS). Ensuite, la profession fera l’objet d’un décret, en préparation, qui sera publié « à horizon du premier semestre 2022 », selon Anne-Lise Deloron coordinatrice interministérielle. Autant dire que la guerre des communiqués va continuer !
Alors si la fusion du réseau Faire et de l’Anah peut sembler une bonne initiative (en terme d’efficacité et d’économie d’échelle), et si la mise en place d’un pivot reste nécessaire à l’analyse de l’ensemble d’un bâtiment (l’accompagnateur rénov’), on est en droit de s’interroger sur les compétences de ces derniers à réaliser de bonnes préconisations. Et dans ce cas, qui sera garant des travaux réalisés ? France Rénov ou l’accompagnateur (s’il est indépendant) ?
Une stratégie à trop court terme
« En 2021, le nombre de demandes déposées devrait atteindre 800 000. Plus de 580 000 ont déjà été déposés (source ANAH octobre 2021) pour 1.5 milliards d’€ d’aides versées. Le barème des aides MaPrimeRénov est maintenu au 1er janvier 2022, les logements éligibles étant ceux de plus de 15 ans. Le gouvernement y consacrera une enveloppe budgétaire de 2 milliards d’euros en 2022. »
Bravo ! On a enfin une véritable accélération des rénovations, tant demandée par les écologistes et les associations. Mais va t’on encore rester dans des gains de performances très faibles, comme le signale le rapport du comité d’évaluation indépendant 2021 ? Il y a de fortes probabilités ! Surtout que MaPrimeRénov, c’est à dire, les aides pour des travaux partiels, est toujours maintenue. Or cela peut s’entendre pour des propriétaires qui auraient déjà engagés des travaux, mais cela devrait maintenant être stoppé pour toutes les rénovations qui nécessitent une analyse globale du bâtiment.
Et les professionnels ont raison d’être à nouveau inquiets, car au vu des annonces (échéance électorale aidant), il leur est, une fois de plus, impossible de se projeter sur plusieurs années pour faire de gros investissements en matériels, et surtout en formations !
Un dispositif qui favorise (encore) de mauvaises solutions
C’est ici que le plus gros bas blesse ! Même si un petit progrès a été fait, en exigeant un minimum de résultat sur les performances thermiques pour les rénovations globales, le choix des solutions va évidemment être très orienté. Pourquoi ?
Si dans la réglementation environnementale du bâtiment (RE2020), on a enfin pris la mesure du bilan carbone dans la construction, on ne l’aborde pas du tout dans la rénovation !
Donc que va être privilégié par les propriétaires ? Des matériaux et équipements dont on oublie complètement leur impact écologique. A savoir, les isolants minéraux et pétro-chimiques, le PVC pour les fenêtres ou encore des systèmes de chauffage ou de renouvellement d’air si complexes, qu’ils ne seront jamais amortis tant au niveau financier qu’environnemental.
Or, ces solutions sont souvent vendues à prix d’or et enrichissent industriels et intermédiaires au détriment de l’efficacité et de l’Etat (donc de nos impôts).
Pire encore, ces solutions ne contribuent pas à faire baisser l’impact environnemental car leurs fabrications sont très énergivores en énergie et ne sont pas vraiment recyclables (contrairement à ce que veulent nous faire croire la majorité de ces industriels).
Que devrait-on faire alors ?
Nous avons déjà beaucoup écrit à ce sujet, mais voici quelques points clés importants à retenir :
- faire une analyse du bâti avec comme objectif de proposer les solutions les plus pertinentes pour le bâti, les habitants et l’environnement
- proposer des solutions low-tech, des matériaux biosourcés et géosourcés, locaux de préférence, et si possible, en réemploi
- toujours penser à la réversébilité des travaux, et donc au recyclage des matériaux
- prendre en compte l’aspect sanitaire de la solution choisie via les matériaux ci-dessus et un bon renouvellement d’air
- investir massivement sur la formation des professionnels, artisans, aux solutions ci-dessus
- et donc mettre en place des aides qui prennent en compte le bilan carbone et la qualité sanitaire des travaux réalisés
Tout ceci pour ne plus faire de plans « pansement » à seule vocation court termiste et à faible impact environnemental.
Au final, France Rénov’, génie ou gabegie ?
En terme de communication, c’est du génie car on nous fait encore passer des vessies pour des lanternes (tout comme pour le nucléaire), par contre, en terme d’efficacité environnementale, c’est évidemment une grosse et déplorable gabegie, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus.
En outre, au niveau marketing, on peut s’étonner du choix du nom « France Renov' » qui s’apparente un peu trop à un nom commercial, souvent utilisé par de maléfiques entrepreuneurs, pour berner leur client en se présentant au nom de l’Ademe, de l’Anah ou du Ministère de l’Ecologie. Est-ce là le génie de nos gouvernants ? Nous faire croire que France Rénov’ va transformer votre passoire thermique en logement performant et écologique ?
[Edit du 02/11/2021] En dehors de l’efficacité de ce dispositif, se cache une organisation opaque gérée par Dacopost (filiale du groupe La Poste). D’après cette enquête de RMC, le site web de MaPrimeRenov serait l’objet de bugs qui génèrent des difficultés sur environ 20% des dossiers, selon certains conseillers du réseau Faire. Ceux-ci dénoncent une stratégie pour décourager, d’autres parlent d’un problème de sous-effectifs !