Climat : « Les COP sont condamnées à ne jamais se terminer »



Le réchauffement est irréversible et nécessitera de garder un forum de coopération sur le sujet, explique le spécialiste des questions de géopolitique de l'environnement François Gemenne aux « Echos ». Mais il prévient qu'il ne faut pas attendre des sommets de l'ONU sur le climat qu'ils fassent baisser les émissions de gaz à effet de serre.

Devant la COP26, à Glasgow, le 13 novembre 2021
Devant la COP26, à Glasgow, le 13 novembre 2021 (Muryel Jacque)

Par Muryel Jacque

Publié le 14 nov. 2021 à 9:00Mis à jour le 15 nov. 2021 à 11:23

« Concrètement cette COP26, en dépit d'avancées réelles, ne change rien pour le climat. Elle n'aura pas d'impact. » Ce n'est pas une provocation de la part du spécialiste des questions de géopolitique de l'environnement François Gemenne, chercheur du FNRS à l'Université de Liège et auteur principal pour le GIEC.

Les grand-messes internationales sur le climat organisées depuis 1995 ne pourront pas, à elles seules, régler le problème du changement climatique, assure-t-il. On ne pourrait tout simplement pas espérer cela d'une COP. « Il s'agit d'un forum de négociations », explique François Gemenne. « On peut attendre des COP des annonces , des textes avec du langage diplomatique de plus en plus ambitieux sur lesquels pourront s'appuyer ensuite, par exemple, des actions juridiques. Mais pas qu'elles fassent baisser les émissions de gaz à effet de serre et les températures. »

« C'est inaudible »

Pour le grand public, « c'est inaudible », reconnaît-il. Et c'est une des raisons pour lesquelles ces rendez-vous annuels sur le climat sont régulièrement critiqués. Quand le Premier ministre britannique, Boris Johnson, juge que l'accord conclu samedi soir à la COP26 est « un grand pas en avant », la militante écologiste Greta Thunberg la résume à du « bla bla bla » . Selon l'enseignant-chercheur en géopolitique du climat à l'université de Liège et à Sciences po Paris, quelque chose reste mal compris : les COP sont condamnées à ne jamais se terminer, c'est un processus sans fin. Et c'est plus que jamais le cas après Glasgow, qui impose aux Etats des échéances de nouveaux objectifs plus rapprochées.


« Je ne sais pas sous quelle forme, mais il y aura une COP102 et une COP157 ! » lance-t-il. « Le changement climatique que nous avons engagé est irréversible pour plusieurs centaines d'années, il demandera donc un processus de facto de surveillance, de révisions à la hausse des engagements, d'ajustements et de contrôles mutuels de chacun. Il faut garder un forum de coopération sur ce sujet. »

Un gouvernement du climat

Les COP s'apparentent dès lors à un « gouvernement du climat », compare François Gemenne. « Elles sont au climat ce que les Conseils des ministres sont à la France. On ne peut pas espérer d'un Conseil des ministres hebdomadaire qu'ils résolvent les problèmes du chômage, de la dette ou de l'immigration. La France demande un processus continu de gouvernement infléchi tous les cinq ans par des élections et donne une nouvelle orientation, mais globalement, aucun Conseil des ministres à lui seul ne peut dire : voilà, nous avons résolu les problèmes du pays, on arrête la politique ! »

Il n'y aura donc jamais de COP finale, uniquement des conférences où des progrès substantiels pourront être engrangés. La COP26, qui vient de s'achever en Ecosse , en fait partie, avec quelques annonces marquantes mais aussi son ratage de dernière minute pour « consigner le charbon dans les livres d'histoires », comme l'implorait le président de la conférence, Alok Sharma . Mais comme l'a noté l'émissaire américain pour le climat John Kerry : « Nous avons toujours su que Glasgow n'était pas la ligne d'arrivée. »

Bouc émissaire

Le rôle de la société civile, des activistes, des manifestants, dans les COP est d'autant plus important, souligne François Gemenne, car ils rappellent aux négociateurs la réalité du changement climatique et de ses impacts dramatiques . Pour le chercheur, une COP peut donc être un succès au regard des précédentes, au regard de l'état de la négociation internationale, mais ce succès paraît « dérisoire » au regard de « l'échec » que reste la lutte contre le changement climatique dans le monde. « C'est pour cela qu'il ne faut pas mettre en cause le processus de la COP lui-même mais l'inaction des Etats. Il ne faudrait pas que la COP devienne le bouc émissaire de l'inaction des Etats », assène-t-il.

Muryel Jacque (Envoyée spéciale à Glasgow)

Décoder le monde d’après

Chaque jour, la rédaction des Echos vous apporte une information fiable en temps réel. Elle vous donne les clés pour décrypter l’actualité et anticiper les conséquences de la crise actuelle sur les entreprises et les marchés. Comment évolue la situation sanitaire ? Quelles nouvelles mesures prépare le gouvernement ? Le climat des affaires s’améliore-t-il en France et à l’étranger ?   Vous pouvez compter sur nos 200 journalistes pour répondre à ces questions et sur les analyses de nos meilleures signatures et de contributeurs de renom pour éclairer vos réflexions.    
Je découvre les offres