Réchauffement climatique : l'architecte urbaniste Philippe Madec appelle à arrêter de "bétoniser la planète"

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 Philippe Madec, archirecte urbaniste, le 8 septembre 2020. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Il y a en fait une quantité incroyable de solutions pour remplacer le béton" dont le principal défaut est d'être beaucoup trop énergivore, selon l'architecte. "Il faut être beaucoup plus radical" aujourd'hui.

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Temps de lecture : 3 min. Philippe Madec, archirecte urbaniste, le 8 septembre 2020. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"Il faut qu'on arrête d'utiliser des matériaux qui sont à l'origine de la catastrophe portée par le monde des bâtisseurs", a déclaré l'architecte urbaniste Philippe Madec, pionnier de la construction écologique, jeudi 24 juin sur franceinfo alors qu'a été publié hier les grandes lignes du pré-rapport très alarmiste du groupe d'experts de l'Onu sur le climat, le Giec. Sa cible principal, le béton.

franceinfo : Vous dites notamment que dans la ville de demain, il faudra apprendre à se désintoxiquer du béton. En quoi le béton n'est pas bon et par quoi peut-on le remplacer ?

Philippe Madec : Il faut qu'on arrête d'utiliser des matériaux qui sont à l'origine de la catastrophe portée par le monde des bâtisseurs. En 2018, l'ONU a rendu public le fait que 40 % des émissions de gaz à effet de serre viennent de la construction. Notre manière de faire, comme au siècle passé, est absolument condamnée. Il faut changer non seulement les matières, mais aussi les techniques. En fait, ce n'est pas le béton qui est condamné, c'est le ciment. Le béton est un mélange d'un liant avec des agrégats, c'est une très vieille histoire qui remonte au temps des Romains.

"Ce qui est problématique, c'est le béton armé de ciment 'Portland' tel qu'il s'est déployé au point de bétoniser la planète aujourd'hui."

Philippe Madec, architecte urbaniste

à franceinfo

Celui-là demande beaucoup d'énergie pour fabriquer le ciment, beaucoup d'eau, beaucoup de sable. Et on sait très bien que l'eau, le sable, l'acier sont quasiment des matériaux précieux aujourd'hui. Il faut remplacer tout ça. Il y a mille manières de le faire : la terre elle-même est un matériau très intéressant car il est, lui, hors de l'économie mondialisée et il est disponible sur les sites où l'on vient travailler. Il y a aussi tous les matériaux biosourcés géosourcés, tout le bois, la pierre, toutes les fibres. Il y a en fait une quantité incroyable de solutions pour remplacer le béton.

Vous travaillez aussi sur des systèmes de ventilation naturelle pour rafraîchir les villes. Comment ça marche ?

Si on veut que la ville s'adapte aux changements climatiques, il faut trouver des solutions qui ne demandent pas de moteur. Il ne faut pas qu'on continue, comme avec la climatisation, à produire de la chaleur pour produire du froid, c'est absolument aberrant. Il est nécessaire de simplement revenir à des mécanismes que l'on connaissait depuis très longtemps : pouvoir ouvrir les fenêtres, se protéger du soleil, s'isoler par l'extérieur, faire en sorte que le mouvement du vent et de l'air sur le corps donne un sentiment de fraîcheur bien utile. On peut utiliser des brasseurs d'air, comme on le voit dans les films sous les tropiques. Mais tout ça est évidemment possible aujourd'hui : oui, les solutions existent. Elles sont disponibles. Elles participent de ce qu'on appelle le low tech, les techniques simples.

Y a-t-il aujourd'hui une ville à l'étranger ou un pays sur lequel on pourrait prendre modèle ?

Il y a plein d'exemples un peu partout. Pour maîtriser l'effet d'îlots de chaleur, ce qui est indispensable pour que la ville se prépare à l'évolution du climat, la politique de New York au début des années 2000 de planter un million d'arbres en dix ans est absolument à reproduire un peu partout. On peut aussi regarder ce que fait Genève, par exemple : vous ne pouvez pas y installer une climatisation sans une autorisation. Il y a partout de très bons gestes qui montrent que l'on sait déjà faire et qu'il faut le faire. Le rapport du GIEC arrive à point nommé et on s'attendait à ce qui est dit. On voit bien aujourd'hui qu'il faut être beaucoup plus radical et qu'on arrête de tergiverser.

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