Un petit actionnaire alerte sur la "menace existentielle" qui pèse sur ExxonMobil

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Publié le 03 mai 2021

GOUVERNANCE D'ENTREPRISE

ExxonMobil se place en position de risque majeur à force de ne pas suffisamment prendre en compte le réchauffement climatique dans sa stratégie. C’est ce qu’écrit le récent fonds activiste Engine n°1 dans une lettre aux actionnaires du groupe, en amont de l’assemblée générale du 26 mai. Ce nouveau coup de pression sur la major texane est symptomatique d’un secteur pétrolier qui, mis sous tension par ses actionnaires, doit transformer son modèle pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

La stratégie climat d'ExxonMobil est loin d'être suffisante selon certains des actionnaires du groupe.

@ExxonMobil Australia

Les actionnaires d’ExxonMobil viennent de recevoir un document fracassant. Rédigé par Engine n°1, un jeune fonds activiste créé fin 2020, il leur explique en détail dans une présentation de plus de 80 pages en quoi la stratégie de la major pétrolière doit changer pour s’adapter aux évolutions du marché de l’énergie. Les dirigeants d’Engine n°1, dont l’objectif est d’investir dans des entreprises pour générer de la valeur sur le long terme, n’y vont pas par quatre chemins.

"ExxonMobil est le cinquième plus gros producteur mondial d’émissions de gaz à effet de serre", écrivent-ils dans leur présentation. "Il s’agit d’un risque d’affaires existentiel étant donné que les deux tiers des émissions viennent de pays s’étant engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050", poursuivent-ils. En clair, si Exxon continue de vouloir développer la production de barils de pétrole, l’entreprise texane court droit à sa perte. Engine n°1 demande donc aux autres actionnaires, à l’assemblée générale du 26 mai, de voter en faveur de quatre nouveaux administrateurs dont les compétences permettraient de repositionner l’entreprise.

Engine n°1 n’est qu’une petite société de gestion, créée en 2020 par des vétérans de l’investissement, qui s’attaque à l’un des plus grands producteurs de pétrole mondiaux. Si à première vue, on pourrait craindre une histoire de pot de terre contre pot de fer, le combat d’Engine n°1 est en fait symptomatique d’une industrie pétrolière qui, sous la pression d’actionnaires responsables, commence à changer de modèle.

Soutien des fonds de pension californiens

La plupart des autres majors ont ainsi progressivement adopté des plans climat annonçant des réductions de leur empreinte carbone et des investissements dans les énergies renouvelables. Le Français Total, emboîtant le pas de Shell et BP, annonçait début mai 2020 vouloir devenir neutre en carbone d’ici 2050 et de faire monter la part d’énergies renouvelables dans sa production. Patrick Pouyanné, le PDG de Total, a reconnu que les discussions avec la coalition d’investisseurs Climate Action 100+, représentée notamment par BNP Paribas AM, avaient permis au groupe d’avancer sur ce sujet.

ExxonMobil est jusqu’à présent la major pétrolière ayant le plus fait preuve de résistance au changement. L’activisme d’Engine n°1 ne passe cependant pas inaperçu, d’autant que la société d’investissement a reçu le soutien des très grands fonds de pension californiens CalPERS et CalSTRS. La voix d’Engine n°1 s’ajoute par ailleurs à celles d’autres investisseurs, comme la coalition Climate Action 100+ dont les actions ciblent plus d’une centaine d’entreprises les plus émettrices au monde.

En février dernier, ExxonMobil a ainsi dû lâcher un peu de lest en annonçant un renforcement de ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et la création d’une filiale Low Carbon Solutions dédiée à l’investissement dans les technologies bas carbone. Un premier pas toutefois encore trop timide, jugé insuffisant par les actionnaires. Engine n°1 pointe notamment que les objectifs de réduction d’émissions ne prennent pas en compte le scope 3, à savoir les émissions indirectes telles que celles réalisées par l’utilisation des produits par les clients. Or celles-ci représentent la grande majorité des émissions du groupe.

La bataille entre les actionnaires et les managers d’Exxon risque donc de s’avérer encore épique cette année, lors de l’assemblée générale du mois de mai. D’autant qu’en plus des nouveaux administrateurs proposés par Engine n°1, les actionnaires ont déposé plusieurs résolutions visant à renforcer la politique climatique du groupe.

Arnaud Dumas, @ADumas5