Chauffage au gaz ou chauffage au bois : qui pollue le plus ?
Arbitrer entre le gaz naturel et le bois pour le chauffage n’est pas simple. Dans une certaine mesure, les générateurs les plus récents apportent une réponse au problème posé.
Une étude parue le 18 novembre dans la revue Nature met en cause la combustion du bois dans la pollution de l’air extérieur et montre que les particules fines issues de sa combustion et de la circulation routière sont les plus dangereuses pour la santé humaine.
Une décision du Tribunal Administratif de Grenoble reconnaît une faute de l’Etat et condamne son inaction face à la pollution récurrente de la vallée de l’Arve, principalement attribuable au chauffage au bois. Le 25 novembre la vallée de l’Arve a été placée en vigilance orange à cause du rallumage des systèmes de chauffage au bois.
Bref, tout va mal pour le chauffage au bois, alors que la nouvelle réglementation environnementale RE2020, partiellement dévoilée récemment, lui promet un avenir radieux en construction neuve, principalement au détriment du chauffage au gaz. Pour bien comprendre, reprenons les bases, en commençant par la combustion du gaz naturel et du bois.
Les chaudières et les chauffe-bains gaz non à condensation sont peu à peu écartées du marché, au profit de générateurs à condensation équipées de brûleurs à prémélange qui conservent un rendement élevé, supérieur à 107% sur PCI sur toute leur plage de modulation. Ci-dessous, la nouvelle chaudière Bosch Condens 8700i WT est capable d’une modulation de puissance de 1 à 10 et condense en mode production d’ECS. ©PP/Bosch Thermotechnologie
La combustion du gaz naturel génère du CO2
La combustion complète du mélange gaz naturel, composé de 81 à 97% de méthane, et de l’oxygène contenu dans l’air comburant, produit du gaz carbonique (CO2) et de l’eau (H2O). Il faut apporter 9,6 m3 d’air comburant pour la combustion complète d’un m3 de gaz naturel. Cette combustion parfaite, avec des fumées sèches, produit des produits de combustion contenant 1 m3 de CO2 (11,7%) et 7,6 m3 (88,3%) de N2.
Dans la réalité, toutes les chaudières gaz neuves vendues en Europe aujourd’hui – Directive ecoDesign oblige – sont équipées d’un ventilateur qui, avec la vanne d’injection de gaz, assurent une maîtrise des proportions d’air et de gaz dans le mélange et maintiennent un léger excès d’air d’environ 10% pour garantir la combustion complète du gaz naturel et, à tout prix, éviter une combustion incomplète.
En effet, la combustion incomplète du gaz naturel, en cas défaut d’air comburant par rapport au volume de gaz naturel, produit en plus de l’hydrogène H2, du carbone (C) et, plus dangereux, du monoxyde de carbone (CO). Les produits de combustion du gaz naturel contiennent donc aussi de l’eau et de l’air sortant. Quoiqu’il arrive, la combustion du gaz naturel produit du CO2. Si la température de combustion du gaz est trop élevée, elle produit aussi des NOx, responsables des pluies acides.
Peu de particules fines lors de la combustion au gaz naturel
Mais la combustion n’est pas l’unique contribution à l’empreinte environnementale du gaz naturel. Dans sa « Base Carbone », l’Ademe indique un contenu total de 0,227 kg CO2eq/kWh PCI pour le cycle de vie du gaz naturel en France, en faisant l’hypothèse d’un rendement de combustion sur PCI de 100%. Ce nombre se décompose en 0,0153 kg CO2eq/kWh PCI pour la production du gaz naturel + 0,02377 pour la production et la transmission, + 0,00148 pour la distribution + 0,187 pour la combustion.
La combustion du gaz naturel représente donc tout de même 82,4% de sa charge carbone totale, mais produit très peu de particules fines. Plus le rendement est élevé, plus les émissions de CO2 sont faibles. Mais, avec des valeurs courantes supérieures à 107% sur PCI, le rendement de combustion instantané à puissance nominale des chaudières à condensation est déjà très proche du maximum théorique de 111%.
La marge de progrès possible sur la combustion est extrêmement faible. Si elle fonctionne un jour, la chaudière/pompe à chaleur de BoostHeat offrira une voie de progrès et la possibilité de dépasser le rendement de combustion théorique. Croisons les doigts.
Les industriels de la chaudière gaz domestique, anticipant peut-être son déclin à terme, ont tous étendu leurs offres à des énergies renouvelables : pompes à chaleur, solaire thermique et photovoltaïque et même chaudières à bois dans le cas de Viessmann, Atlantic, Bosch Thermotechnologie, BDR Thermea, etc. ©Chaffoteaux
La combustion du bois est un délicat exercice
Ce qui n’est pas le cas de la combustion du bois. Le bois, comme chacun le sait, ne brûle pas, mais « entre en combustion » en trois étapes. La première étape, jusqu’à ce que le combustible atteigne une température de 300°C environ, correspond à une phase de séchage du combustible : l’eau contenue dans le bois s’évapore. C’est une réaction endothermique : elle absorbe plus de chaleur qu’elle n’en produit.
La seconde étape, entre 300 et 800°C est une réaction chimique qui transforme le bois en produit gazeux. La troisième étape, entre 800 et 1100°C est un processus chimique d’oxydation. Les goudrons produits à ce moment-là et contenant majoritairement des hydrocarbures aromatiques (HAP) ne brûlent pas directement. Ils partent avec les fumées. Pour être éliminés, ils doivent être filtrés ou craqués par traitement catalytique durant ou après cette combustion.
Les micro-fragments de charbon imbrûlé forment des particules fines classées : PM2,5 < 2,5 microns et PM10 < 10 microns). 1 micron ou micromètre est 1 million de fois plus petit qu’un mètre. Les particules PM10 – 6 à 8 fois plus petite qu’un cheveu, de l’ordre de la taille d’une cellule – pénètrent dans l’appareil respiratoire. Les particules PM2,5 ont une taille comparable à celles des bactéries et se logent dans les alvéoles des poumons, les plus profondes ramifications des voies respiratoires.
La température de combustion (500°C à 1000°C) varie en fonction du taux d’humidité du bois et de la quantité d’air en excès. Plus le bois est humide et plus la température de combustion sera faible, avec formation de goudrons dans les fumées, donc de pollution.©PP
Plus le bois est divisé sous forme de sciures ou de granulés par opposition aux bûches, plus complète est la combustion avec peu de particules de charbon imbrûlé, plus grande est la proportion de gaz et moins il y a formation de goudrons.
Par convention, on ne compte pas le CO2 émis lors de la combustion du bois, dans la mesure où il s’agit du relâchement du CO2 stocké durant la croissance des arbres. En France, tout le bois de chauffage est réputé provenir de forêts exploitées de manière renouvelable. ©PP
Chauffage au bois et pollution
Le chauffage au bois existant aujourd’hui est cependant un puissant contributeur à la contribution de la dégradation de la qualité de l’air extérieur, à la fois dans les zones fortement urbanisées et dans des zones dont la topographie est défavorable, comme la vallée de l’Arve.
En Île de France, le réseau de surveillance Airparif indique que le secteur résidentiel et tertiaire, notamment le chauffage domestique et des entreprises, contribue à hauteur de 26% aux particules PM10 émises, à 39% des particules fines PM2,5 et à 30% des émissions d’hydrocarbures.
En détaillantl es émissions par combustible, le bois apparaît comme le contributeur majoritaire. Bien qu’il ne représente que 5% des consommations de ce secteur, il est à l’origine de près de 90% des émissions de particules (PM10 et PM2,5) et de plus de 80% des émissions d’hydrocarbures du chauffage résidentiel.
Les chaudières bois à chargement automatique – essentiellement les chaudières à granulés pour l’univers domestique – sont très simples à utiliser. Si elles sont associées à un silo de stockage du combustible, celui-ci est rempli une à deux fois par an, comme une cuve à fioul. ©Ökofen
Pourtant, la part du bois dans le chauffage en France est faible
La part du bois dans le chauffage des logements est réduite. Selon l’étude statistique du CEREN datée de 2015, la plus récente disponible – 7,4% des maisons se chauffent au bois en France, contre 38,7% à l’électricité, 32,2% au gaz et 18,5% au fioul. Pour les logements collectifs, la part du chauffage au bois chute à 0,4% du nombre total d’appartements, contre 52,1% pour le gaz et 32,8% pour l’électricité.
En 2015 toujours, la contribution du bois à la production d’ECS était encore plus ténue : 0,6% des maisons individuelles (57,6% électricité, 27,7% gaz, 10,9% fioul) et 0,1% des logements collectifs (47,4% gaz, 41,5% électricité, 3,2% fioul) utilisaient le bois sous une forme ou une autre.
Mais, circonstance aggravante, environ 73% du bois-énergie est consommé par le chauffage domestique. Même s’il se développe, l’usage du bois en chaufferies tertiaires, industrielles et collectives ne pèse que 27%. Qui dit chauffage domestique, dit aussi moyens techniques de filtration et d’épuration des fumées réduits, voire absent, sur les générateurs du parc existant.
En effet, le parc des équipements de chauffage au bois est relativement ancien en moyenne, avec de mauvais rendements et une mauvaise qualité de produits de combustion. Tous les systèmes de chauffage au bois à foyers ouverts contribuent aussi à une forte pollution intérieure des logements, avec des rejets dangereux pour la santé humaine.
Les meilleures chaudières bois émettent ≤ 1 mg/Nm3 de poussières. 248 modèles de chaudières domestiques à bois sur le marché français, tant à granulés qu’à bûches, émettent ≤ 15 mg/Nm3 de poussières, soit deux fois moins que la classe 7* du label Flamme Verte ©Viessmann
Quel bois de chauffage choisir ?
Plusieurs mesures sont possibles pour améliorer très significativement le bilan sanitaire du chauffage au bois. Premièrement, le combustible « divisé » se comporte nettement mieux. Il faut donc privilégier les granulés, les plaquettes, … par rapport aux bûches classiques.
Deuxièmement, plus le bois est sec, meilleure sera sa combustion. Le bois vert peut contenir 50 % d’humidité. Le bois sec en bûches et plaquettes contient très rarement moins de 20 %. Le taux d’humidité des granulés, en revanche, comme il s’agit d’un combustible manufacturé répondant à une norme, se situe à 8%. A noter qu'il en est de même pour les bûches dites compressées (composées de résidus de bois) et qui affichent des taux inférieurs à 8 %.
L’humidité abaisse la température de combustion en utilisant une partie de la chaleur produite pour la seule évaporation de l’eau. Réduire la température de combustion nuit à l’oxydation des sous-produits de combustion nocifs qui s’échappent directement avec les fumées.
Il existe plusieurs marques de qualité du combustible bois : NF Biocombustibles solides, DINplus, ENplus, France bois Bûche et ONF Energie Bois.
Bois : choisir des générateurs performants
Troisièmement, il faut choisir les générateurs les plus performants. Le Label Flamme Verte est un bon moyen de commencer la recherche des appareils domestiques de chauffage au bois les plus performants. Ce label a été lancé par l’Ademe et les professionnels de la filière en 2000. Il propose aujourd’hui 3 classes de performance 5*, 6* et 7*.
Début décembre, 118 marques sont référencées sur le site flammverte.org. Le site référence à la fois des appareils indépendants – poêle à bûches, foyer fermé et inserts, poêles à granulés, cuisinières et poêle à accumulation – et des chaudières individuelles de moins de 70 kW, à bûches, à plaquettes ou à granulés.
La classe 7*, celle qui demande des performances les plus élevées, existe un rendement énergétique > 87% pour les chaudières et les poêles à granulés, > 75% pour les poêles à bûches, des émissions de particules fines ≤ 40 mg/Nm3 (normo m3) pour les chaudières à chargement manuel (à bûches) et les poêles à bûches, ≤ 30 mg/Nm3 pour les chaudières à chargement automatique (plaquettes et granulés) et les poêles à granulés, … Ce sont des valeurs divisées par 10 par rapport à celles que le label exigeait lors de sa création en 2000.
Et si la RE2020 introduisait une exigence sanitaire pour les chaudières bois ?
En réalité, les meilleures chaudières proposées sur le site flammeverte.org atteignent des valeurs nettement inférieures. 19 modèles de chaudières, proposées par 5 marques différentes – Domusa, Froling, Okofen, Windhager et Viessmann - offrent des rendements > 93,5% et des émissions de poussières ≤ 4 mg/Nm3, dont 9 modèles avec des émissions de poussières ≤ 1 mg/Nm3.
Plusieurs chaudières Okofen à condensation combinent des rendements sur PCI > 100% et des émissions de poussières ≤ 1 mg/Nm3 pour des puissances de 22 à 35 kW. Si la RE2020, qui possède aussi des ambitions sanitaires, posait une exigence d’émissions de poussières ≤ 15 mg/Nm3, deux fois mieux que la classe 7* du label Flamme Verte, 248 modèles de chaudières domestiques seraient disponibles en France.
Tous ces générateurs affichent un rendement > 90%. Ce sont pour l’essentiel des chaudières à granulés, dont plusieurs produites par des marques françaises, comme Atlantic, HS France, OERTLI et ZAGEL-HELD.
Mais plusieurs modèles à bûches parviennent à cette performance, dont la chaudière Atlantic Vercors 25 de 25 kW, avec un rendement de 90,7% et des émissions de poussières de 13 mg/Nm3.
Toute étude de la pollution de l’air reflète l’état du parc des équipements de chauffage au bois et ne traduit pas du tout les performances dont sont capables, à la fois en termes de rendement et de pollution, les appareils de chauffage au bois mis sur le marché aujourd’hui. Il est parfaitement possible, au vu des matériels disponibles, d’installer en construction neuve, des chaudières bois domestiques, sans risque du point de vue sanitaire.
Quant à l’importante pollution engendrée par le parc de générateurs bois existant, il faut pour la réduire organiser un remplacement de ces appareils. L’exemple de la vallée de l’Arve, dont la situation est connue depuis plusieurs dizaines d’années, montre que ce n’est pas simple.
Quant aux chaufferies de forte puissance, notamment en chauffage urbain, elles sont déjà équipées, d’efficaces systèmes d’épuration des fumées. ©PP
Source : batirama.com / Pascal Poggi
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