L’agence internationale de l’énergie (AIE) et l’OCDE-NEA, publient conjointement la neuvième édition de leur série sur les coûts actualisés de l'électricité (LCOE), préparé tous les cinq ans. Le rapport met en lumière deux points essentiels, l’investissement dans les technologies bas carbone est aujourd’hui plus rentable que dans les énergies fossiles sur la base d’un scénario de prix du CO2 de 30 US$/tCO2. Dans ce panel, le nucléaire apparait comme l’énergie bas carbone pilotable la plus compétitive.
C’est une véritable enquête que les experts des deux agences nous livrent aujourd’hui. Avec l'analyse de 243 projets de centrales de production d’électricité, localisées dans 24 pays, le rapport présente les coûts de production, au niveau de la centrale, pour chaque source d’énergie : combustibles fossiles (charbon et gaz), énergie nucléaire et une gamme de technologies renouvelables, telles que l'énergie éolienne et solaire, l'hydroélectricité et les biocarburants.
En dépit des différences dans les conditions nationales, régionales voire locales, le rapport constate que la production à faible émission de carbone devient globalement de plus en plus compétitive en termes de coûts de production. Les coûts des énergies renouvelables ont continué de baisser ces dernières années, plus particulièrement les coûts de l'énergie éolienne et de l’énergie solaire photovoltaïque. Ces deux technologies sont aujourd’hui largement compétitives par rapport à la production d'électricité à partir de combustibles fossiles dans de nombreux pays.
Une bonne nouvelle pour le climat mais qui ne s’arrête pas là car l'électricité produite par les centrales nucléaires devrait également voir ses coûts baisser dans un avenir proche. En raison notamment des réductions de coûts découlant des retours d’expérience tirées de projets de Génération III dans plusieurs pays de l'OCDE (dont la France et l’EPR2). Selon les auteurs, le nucléaire restera même la technologie bas carbone pilotable avec les coûts les plus bas d’ici 2025. Seuls les grands barrages hydroélectriques avec réservoir peuvent apporter une contribution similaire, et à des coûts comparables, mais restent fortement dépendants des dotations naturelles de chaque pays.
Une nouvelle métrique : la prise en compte des coûts systèmes
Comme dans les éditions précédentes, le rapport utilise la méthodologie LCOE comme une métrique bien établie et largement utilisée dans les méthodes de calcul économique. Cependant, pour la première fois, le rapport présente une métrique complémentaire, la mesure LCOE « ajustée en valeur ».
Ce LCOE « ajusté en valeur », est le fruit de plusieurs années de travail au sein de l’AIE et de l’OCDE-NEA (l’Agence pour l’énergie nucléaire) sur la question des coûts de système du réseau électrique. En effet, ces couts de système sont les vrais coûts économiques qui impactent les acteurs du marché du système électrique, au-delà des couts de production classiques (LCOE), en prenant en compte l’ensemble du système électrique et plus particulièrement l’intermittence des énergies renouvelables.
Une première étude publiée en 2019 démontrait déjà que ces « coûts de système » augmentent de 7 €/MWh à près de 45 €/MWh lorsque la part des renouvelables intermittentes augmente de 10 à 75 % du mix électrique. Par conséquent, plus on injecte des énergies renouvelables dans un système électrique, plus les coûts augmentent pour les intégrer dans le réseau électrique.
La prolongation de tranches nucléaires est la source la plus rentable d’électricité
Le rapport constate que prolonger la durée d’exploitation des centrales nucléaires, connue sous le nom d'exploitation à long terme (Long Term Operation), est la source la plus rentable d'électricité à faible émission de carbone. Une analyse que l’Agence Internationale de l’Energie avait déjà soulignée dans son rapport de 2019 tant pour des raisons économiques, qu’écologique.
Le présent rapport démontre que même à des taux d'utilisation faibles, par exemple dans des systèmes à forte part d'énergies renouvelables mais avec du nucléaire en base, les coûts restent inférieurs à ceux de nouveaux investissements dans d’autres technologies bas carbone.
En effet, même si sur un plan technique, les centrales nucléaires ont été conçues et construites à l'origine pour fonctionner au moins 30 ans. Au fil des années, la progression des savoirs et des techniques dans l’ingénierie nucléaire a permis d’envisager la prolongation de la durée de vie d’un réacteur tout en respectant le plus haut niveau de sûreté possible. Les Etats-Unis ont ainsi autorisé l'exploitation jusqu'à 60 ans de 88 réacteurs sur les 96 existants et jusqu'à 80 ans pour 4 autres.
En France, le programme Grand Carénage d’EDF lancé en 2014 recouvre à la fois la mise à niveau de la totalité du parc de réacteurs de 900 MW à l’âge de 40 ans et leur prolongement de 10 ans, mais aussi la maintenance habituelle du parc. Une opération qui permettra de maintenir un coût de production parmi les plus bas d’Europe, de l’ordre de 33 €/MWh.
Les projets de nouveaux nucléaires : indispensable dans le mix électrique de demain
Le rapport rappelle, à juste titre, que si les Etats veulent atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, qui vient de fêter ses 5 ans ce week-end, la construction de nouvelles centrales nucléaires apparait comme indispensable pour endiguer le changement climatique.
L'électricité provenant des projets de nouveaux nucléaires apparait à des coûts bien inférieurs dans cette édition 2020 que dans les précédentes projections du rapport en 2015. Si les auteurs tempèrent en précisant que, là encore, les différences entre pays sont considérables. En moyenne, le coût overnight reflète tout de même des réductions tirées des enseignements des projets tête de série (First Of a Kind) dans plusieurs pays de l'OCDE, dont la France. En effet, les réacteurs de génération III, devraient bénéficier d'une série d’amélioration progressives pouvant améliorer leurs performances économiques, comme l’agence l’avait démontré dans un précédent rapport cette année.