Habitat alternatif : « la tiny house pose surtout problème en zone agricole »

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Urbanisme

Publié le 14/09/2020 • Par Léna Jabre • dans : Actu ingénierie publique, Actu juridique, France

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Thieury - Fotolia
La «tiny house», maison écologique et aisément déplaçable, est souvent présentée comme le nouveau mode d'habitat alternatif préféré des néoruraux. Séverine Buffet, avocate au cabinet Adamas, explique à la Gazette tout ce que les collectivités doivent savoir pour accueillir (ou pas !) ses constructions.

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Les tiny houses ont-elles une définition juridique ?

Aujourd’hui, on n’a pas de définition juridique spécifique aux tiny houses, ces micro-maisons écologiques, au sein du code de l’urbanisme. Par contre, on peut rattacher ce mode d’habitat, qu’on peut qualifier d’atypique ou d’alternatif, à la notion de résidence démontable à vocation d’habitat permanent, définie à l’article R. 111-51 du code de l’urbanisme.

Dans ce cas, plusieurs conditions cumulatives sont alors à remplir : l’habitation doit avoir une vocation d’habitat permanent, pour la résidence principale, elle doit être occupée au moins 8 mois par an, elle est démontable et autonome en termes de réseaux et enfin, elle n’a pas de fondation.

Quel type d’autorisation d’urbanisme est alors nécessaire ?

Si la tiny house est effectivement qualifiée de résidence démontable à vocation d’habitat permanent, ce qui sera soumis à autorisation ou déclaration préalable, c’est l’aménagement du terrain, et non l’installation même de cette maison. Si plus de deux tiny houses sont installées sur un terrain, et qu’on crée une surface de plancher inférieure à 40 m2, le projet est alors soumis à déclaration préalable ; si on crée une surface de plancher supérieure à 40 m2,  on est soumis à une demande de permis d’aménager. Le code a donc soumis ces installations au régime juridique particulier des installations et aménagements.

Mais si la volonté est d’installer une seule maison, on tombe dans le droit commun (1), c’est-à-dire :

  • une déclaration préalable si la surface de plancher est comprise entre 5 et 20 m2 (40 m2 en zone urbaine);
  • un permis de construire si on dépasse les seuils de 20 et 40 m2. 

Le plan local d’urbanisme peut-il réglementer l’installation de ces tiny houses ?

Certaines communes se sont en effet interrogées sur le traitement de ces constructions dans leur document d’urbanisme.

En zone urbaine, la tiny house sera traitée comme n’importe quelle construction dans une zone qui accueille des habitations : elle devra respecter le règlement du plan local d’urbanisme (PLU).

Le nerf de la guerre se trouve en zone agricole et naturelle. Dans ce type de zones, en principe, la seule possibilité de constructions recouvre celles qui ont une vocation agricole ou forestière. C’est strictement limité dans le code de l’urbanisme (2). Seulement, dans ces zones, les plans locaux d’urbanisme peuvent définir des zones très limitées dans lesquelles seront autorisées des constructions ayant d’autres vocations : on les appelle les secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées (Stecal) (3).

Depuis la loi Alur, ces Stecal peuvent accueillir des résidences démontables à vocation d’habitat permanent. Dans ce cas, la collectivité va dessiner des Stecal, et dans son règlement, préciser qu’elle y autorise ces installations. Le règlement applicable à ces secteurs définira les règles relatives aux conditions de hauteur, d’implantation et de densité de ces maisons, parce qu’il faut qu’elles restent compatibles avec le caractère agricole ou forestier de la zone. Les réseaux d’eau, d’électricité etc. n’existant a priori pas dans ces zones, le service instructeur peut tout de même exiger des règles techniques pour le traitement des eaux usées, des eaux pluviales ou la sécurité incendie …

Au stade de l’élaboration de son plan local d’urbanisme, les urbanistes dessineront ces Stecal en ayant eu connaissance de projets des habitants. Par contre, plus tard, si un nouveau projet apparaît, il faudra faire évoluer son document d’urbanisme.

Comment faire évoluer son PLU pour dessiner ces Stecal ?

Pour savoir s’il faut procéder à une modification ou à une révision pour faire dessiner de nouveaux Stecal dans son PLU, il faut, à mon avis, s’interroger sur les motifs qui ont conduit à définir cette zone agricole ou naturelle.

On procède à une révision du PLU si on réduit une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels (4). De même, la révision s’imposera si dessiner ce Stecal revient à changer les orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durables. Par contre, si la zone a été définie ainsi juste parce qu’elle présente effectivement un caractère naturel ou agricole, qu’elle n’a pas les réseaux, une modification du PLU sera possible.

Et si la collectivité décide de s’opposer à l’installation d’un tiny house, que peut-elle faire ?

En zone agricole et naturelle, si un Stecal n’autorise pas ce genre de construction, l’installation de ces maisons n’est pas possible. Même si elles sont démontables, la vocation de ces zones n’est pas d’accueillir de nouvelles habitations, hormis celles liées à l’exploitation agricole.

De même, si le maire identifie un risque, par exemple d’incendie, il pourra refuser ce projet en se fondant sur l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qui dispose qu’ « un projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ». Donc, par exemple, si le projet est voué à s’implanter dans une zone favorable aux feux de forets, le maire pourra refuser le projet si le pétitionnaire, dans son dossier, ne démontre pas qu’il a pris en compte ce risque (et qu’il est situé à telle distance d’une borne incendie, dans cet exemple). Normalement, en ayant dessiné le Stecal, la collectivité aurait dû prendre en compte tous les risques, mais l’application de l’article R. 111-2 reste applicable à tout moment, et le risque peut toujours évoluer.

En zone urbaine, la question qui pourra se poser sera celle de l’insertion dans le bâti existant. C’est la même question qui s’était posée au départ pour les construction en bois, qui crée une rupture dans l’environnement immédiat. La tiny house sera soumise au règlement écrit du document d’urbanisme, qui édicte des règles relative à l’aspect extérieur des constructions. Mais en plus de cela, le maire pourra aussi faire jouer l’article R.111-27 du code de l’urbanisme, qui permet au maire de refuser un projet en l’absence d’insertion dans l’environnement bâti, et ce même si la construction respecte par ailleurs le règlement du PLU. Ce motif de refus restera très sujet à interprétation : d’ailleurs dans ces cas-là, le juge pourra aller sur les lieux pour vérifier cette rupture.

Enfin, si l’installation de la tiny house ne respecte pas les règles applicables, il faut savoir que c’est une infraction pénale, et que la loi Engagement et Proximité a renforcé le pouvoir de sanction du maire (5) avec la possibilité de faire une mise en demeure, qui peut être assortie d’une astreinte journalière d’un montant maximal de 500 euros par jour de retard.

Notes

Note 01 en effet, une construction, même sans fondation, reste une construction au titre de l'urbanisme. C'est expressément prévu par l’article L.421-1 du code de l’urbanisme« Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. Retour au texte

Note 02 Article R. 151-23 du code de l'urbanisme Retour au texte

Note 03 article L. 151-13 du code de l'urbanisme Retour au texte

Note 04 Article L. 153-31 du code de l'urbanisme Retour au texte

Note 05 article L. 481-1 du code de l'urbanisme Retour au texte