Par sa capacité à transformer profondément notre société, la réduction des consommations d'énergie a tous les atouts pour devenir la prochaine grande orientation politique de la France. Nous sommes aujourd'hui loin du compte. Pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone, il nous faudra accélérer drastiquement les financements en faveur de l'efficacité énergétique. La première décision rendue dans l'affaire Grande-Synthe nous montre que l'Etat a une responsabilité majeure, celle de respecter les objectifs qu'il s'est lui-même fixé. N'ayons pas peur de franchir le pas : la réduction de nos consommations d'énergie, au-delà de sa dimension écologique, constitue en effet un puissant levier pour notre économie, notre cohésion sociale mais aussi pour notre souveraineté.
Mobiliser tout un pan de l'économie
Maîtriser ses consommations d'énergie, c'est faire le choix de la résilience. La COVID-19 nous a montré notre difficulté à nous adapter à des changements brutaux et subis. Avec la dégradation de notre environnement, les phénomènes de cette ampleur vont se multiplier. Nous devons donc attaquer frontalement la question du gaspillage énergétique. Chauffer un logement mal isolé, c'est jeter du pétrole par la fenêtre. Laisser s'envoler la chaleur produite par un four industriel, c'est négliger une ressource précieuse. Climatiser en continu des bureaux, c'est tendre inutilement notre réseau électrique. Sobriété et efficacité énergétique sont les deux facettes d'une même pièce : il ne s'agit plus uniquement de consommer mieux ; il s'agit surtout de consommer moins.
Consommer moins d'énergie, c'est aussi mobiliser tout un pan de l'économie et de nos compétences : formation de milliers d'artisans locaux, embauches massives dans les organismes de contrôle et bureaux d'étude thermiques mais aussi chez les fabricants de matériaux, les organismes de financement, les entreprises spécialisées dans le suivi de consommation. Nous ne voyons aujourd'hui qu'une fraction de son potentiel. L'efficacité énergétique permet par ailleurs de réduire les coûts pour nos entreprises en allégeant leur facture. Le mouvement de relocalisation mis en lumière par la crise en sanitaire saura en tirer parti.
Reconquérir notre souveraineté énergétique
Faire le choix de l'efficacité énergétique, c'est réconcilier cette vieille querelle entre « la fin de mois et la fin du monde », à l'origine du mouvement social de 2018. C'est construire une politique économique et environnementale durable dans le temps, car socialement juste et donc acceptée par tous. L'énergie sert à se déplacer, à se chauffer et constitue à ce titre un bien de première nécessité, un substrat sur lequel se développent nos usages mais où peuvent naître aussi les inégalités. En réinterrogeant notre rapport à l'énergie et notre manière de consommer, nous repensons notre manière de faire société.
Nous repensons également notre rapport au monde. Consommer moins, c'est reconquérir notre souveraineté énergétique. On l'oublie trop souvent : l'essentiel de notre énergie est importée et donc soumise aux fluctuations d'un marché instable et d'un contexte géopolitique incertain. Consommer moins est donc l'une des conditions de notre autonomie. Il ne s'agit pas de se fermer au monde mais d'assurer notre capacité collective à répondre à des besoins essentiels.
Réduire notre consommation d'énergie n'est pas une politique de grands travaux : c'est la somme de millions de plus petits. Car une grande politique publique n'est pas forcément spectaculaire : elle est avant tout partagée et efficace. La force de la maîtrise des consommations réside dans sa capacité à être mobilisable par tous, chacun à son échelle, associée à un consensus global sur sa nécessité. L'ériger en nouveau cap énergétique, c'est marquer un tournant historique et la bascule irréversible vers une politique climatique ambitieuse.