A quelques heures du verdict, alors que 20% environ de la flotte française (hors Méditerranée) fréquente les eaux britanniques, la pêche française risque gros en cas de «no deal».
La tension nerveuse est à son comble. Dans quelques heures, ou peut-être jours, le pire des cauchemars des pêcheurs français pourrait devenir une réalité. « Nous sommes dans la même situation qu'il y a un an, mais c'est encore plus stressant car plus le temps passe, plus j'ai le sentiment qu'on part vers un no deal », soupire Dominique Thomas, propriétaire de deux chalutiers hauturiers qui pêchent majoritairement dans les eaux britanniques, en Manche Ouest et en mer Celtique.
Car si aucun accord n'est trouvé d'ici à dimanche, ce Breton de 55 ans n'aura plus accès à cette zone au 1er janvier. « Et plus question d'y aller, le risque serait trop grand que les navires soient arraisonnés par les garde-côtes et saisis », assure-t-il en parlant également au nom de Cobrenord, l'organisation qu'il préside et qui regroupe 180 navires œuvrant à 90 % dans la zone.
LIRE AUSSI > Brexit : quel impact d'un «no deal» sur l'économie française?
A la Scapêche, la filière mer du Groupement les Mousquetaires, premier armateur français de pêche de poisson frais qui réalise 70 % de ses prises dans les eaux britanniques, ce scénario est inenvisageable : « On l'a dit et répété. La pêche française ne peut se passer de l'accès à ces eaux. Il n'y a pas de plan B possible », martèle Sylvain Pruvost, son président qui emploie 250 marins et dont les unités de transformation et de distribution représentent plus de 1100 emplois directs.
20 % de la flotte de pêche française menacés
Les conséquences seraient en effet lourdes pour tout un secteur. « Même s'il est encore difficile d'évaluer l'impact, nous pensons qu'environ 20 % de la flotte (hors Méditerranée) devrait être pénalisés en cas de fermetures des eaux », indique Jean-Luc Hall du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM).
Dans le détail, 40 % des navires bretons seraient touchés, 30 % des Hauts de France et 20 % des navires normands. Comment ? « Certains devront rester à quai », répond-il. Dominique Thomas confirme : « Personne ne le dit entre marins-pêcheurs, mais en cas de no deal, certains seront peut-être contraints d'arrêter. » Plus largement, alors que la pêche fait vivre plusieurs bassins d'emploi, c'est toute une filière, déjà en difficulté avec la crise sanitaire, qui pourrait en pâtir. « Le gouvernement travaille actuellement à un plan d'accompagnement », précise Jean-Luc Hall.
VIDÉO. Brexit : l'inquiétude des pêcheurs de Boulogne-sur-Mer
Risque de tensions entre pêcheurs européens
La fermeture des eaux britanniques ne manquera pas non plus de provoquer des tensions alors que les pêcheurs devront se reporter sur d'autres zones. « Tous les Européens vont se rabattre sur les eaux françaises. Mais la zone de pêche sera tellement restreinte que ça va finir en affrontement… », souligne le marin breton. Sans compter que « si on sort des eaux britanniques, on n'aura plus accès à certaines espèces », rappelle Sylvain Pruvost.
Exemple ? 92 % des captures de lieu noir et 74 % du hareng ont lieu dans cette zone. « Le risque au final, c'est que ces poissons reviennent plus cher aux consommateurs parce qu'ils seront plus rares et/ou parce que des droits de douane pourraient s'appliquer à leur entrée sur notre territoire », explique le représentant du Comité national des pêches maritimes.
Mais Dominique Thomas prévient : « S'il n'y a pas d'accord, pas question que les pêcheurs britanniques viennent vendre leur poisson en France ». Le risque de colère sociale est bien réel : « On imagine mal le pêcheur ne pas réagir lorsqu'il verra des produits britanniques sur son marché alors que son navire est à quai, confirme Jean-Luc Hall. Il risque d'y avoir en effet quelques personnes remontées… »