RE2020, une progression en trois temps

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Stéphanie Obadia

RE2020, une progression en trois temps

Le gouvernement a annoncé les grandes lignes directrices de la RE2020 qui entrera en application à l’été 2021, avec une trajectoire progressive, notamment concernant les exigences constructives liées à la diminution de l’empreinte carbone.

Lors d’une conférence de presse, le gouvernement a rappelé les trois objectifs principaux de la future réglementation environnementale : donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ; diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ; en garantir la fraîcheur en cas de fortes chaleurs. « La RE2020 introduit une évolution méthodologique majeure qui place la France à la pointe mondiale de la réglementation environnementale des bâtiments et engage une transformation profonde des types de bâtiments et modes de construction ». En effet, l’impact carbone d’un bâtiment sera pris en compte de sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, y compris ses phases de construction et de démolition ; le chauffage exclusif au gaz sera progressivement exclu et les systèmes constructifs bas carbone, notamment bois et biosourcés seront plébiscités. La réglementation sera progressivement de plus en plus exigeante, depuis son entrée en vigueur en 2021, jusqu’à 2030 avec trois jalons prévus en 2024, 2027 et 2030 qui constituent autant de marches de rehaussement des exigences, avec des seuils de réduction respectifs de -15%, -25% et -30.

Renforcer l’indicateur Bbio

Concernant la sobriété énergétique, il s’agit de poursuivre la baisse des consommations des bâtiments neufs. La RE2020 sera plus exigeante que la RT2012, en particulier sur la performance de l’isolation quel que soit le mode de chauffage installé, grâce au renforcement de l’indicateur de besoin bioclimatique (dit Bbio), que la RT2012 mettait peu en avant. La RE2020 prend également en compte le besoin de froid ou Bbio froid, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Par rapport aux exigences de la RT2012, le seuil maximal pour le besoin bioclimatique des logements sera abaissé de 30 % pour tous les logements individuels et collectifs « Ambitieux mais réaliste », précise la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Une fois les besoins en énergie réduits, il est aussi essentiel que cette énergie soit la plus décarbonée possible, notamment à travers le recours à la chaleur renouvelable (pompe à chaleur, biomasse, etc.). À ce titre, les exigences de la RE2020 vont entraîner la disparition progressive du chauffage utilisant des énergies fossiles dans les logements via un seuil maximal de consommation d’énergie primaire non renouvelable. Elles mèneront également à ne plus avoir recours à des modes de chauffage électriques peu efficaces (radiateurs à effet Joule). À l’inverse, les modes de chauffage électrique performants (pompes à chaleur) et à partir de chaleur renouvelable seront systématisés.

Ainsi, en maison individuelle, où les solutions non fossiles sont très courantes et parfaitement maîtrisées (notamment la pompe à chaleur ou le chauffage biomasse), le seuil sera fixé à 4 kgCO2/m2/an dès l’entrée en vigueur de la RE2020 et exclura de fait des systèmes utilisant exclusivement du gaz. « Alors qu’une maison moyenne existante chauffée au gaz émet près de 5 tonnes de CO2/an, la même maison aux normes RE2020 émettra moins de 0,5 tonne, soit 10 fois moins ! », poursuit la ministre. En logement collectif, la transition sera progressive entre 2021 et 2024, car aujourd’hui encore, 75 % des logements collectifs nouvellement construits sont chauffés au gaz. Les alternatives (réseau de chaleur, chaufferie biomasse, pompe à chaleur collective, solaire thermique) sont nombreuses, mais doivent encore se développer à grande échelle. Aussi le seuil sera d’abord fixé à 14 kgCO2/an/m2, laissant ainsi encore la possibilité d’installer du chauffage au gaz à condition que les logements soient très performants énergétiquement. Ensuite, dès 2024, le seuil sera ramené à 6 kgCO2/m2/an, excluant de fait le chauffage exclusivement au gaz, mais permettant le développement de solutions innovantes, y compris hybrides (telles des pompes à chaleur utilisant un léger appoint de gaz en cas de grand froid). Pour répondre aux nombreuses critiques concernant le BBio et le Coefficient de conversion de l'électricité en énergie primaire qui est descendu à 2,3 au lieu de 2,58, Barbara Pompili a précisé que le coefficient de l’énergie primaire ne jouera pas un rôle majeur. « C’est un faux débat. Abaisser le BBIo de 30 % revient à abaisser les consommations de 30% »

Construire plus souvent avec du bois

Afin de diminuer l’impact des bâtiments neufs sur le climat, la RE2020 prendra en compte l’ensemble des émissions du bâtiment sur son cycle de vie, dès la construction. En effet, « pour des bâtiments énergétiquement performants, comme ceux construits selon la RT2012, l’essentiel de l’empreinte carbone est lié aux phases de construction et démolition, qui représentent entre 60 et 90 % de l’impact carbone total calculé sur une durée de 50 ans ». L’approche d’analyse en cycle de vie dynamique, qui attribue un poids plus fort au carbone qui est émis aujourd’hui qu’au carbone qui sera émis plus tard, a été choisie. En complément, un indicateur de stockage carbone sera calculé à titre informatif et permettra d’afficher explicitement le taux de recours à la biomasse. Sur la base de l’indicateur de carbone en cycle de vie, mesuré en kgCO2/m2 de surface de logement, la RE2020 fixera des exigences compatibles avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC). L’objectif étant de diminuer les émissions des secteurs industriels d’au moins 30 % en 2030 par rapport à 2013, objectif que la RE2020 déclinera dans le cas de la construction. Ces annonces favoriseront donc les matériaux qui émettent peu lors de leur fabrication et qui stockent du carbone dans les bâtiments, comme le bois et les matériaux biosourcés. « Une telle diminution devrait rendre, à l’horizon 2030, l’usage du bois et des matériaux biosourcés quasi-systématique, y compris en structure (gros œuvre) dans les maisons individuelles et le petit collectif ». La marge est grande puisque les maisons à ossature bois représentent moins de 10 % du marché de la maison individuelle neuve en France. Mais cela peut être, selon Emmanuel Wargon, ministre déléguée à la Transition écologique, en charge du logement, « l’occasion d’innover et de faire progresser les autres matériaux, techniques et équipements de construction comme la mixité bois/béton ou le béton bas-carbone. Les exigences visant à limiter ces impacts permettront d’encourager puis de systématiser les modes constructifs qui émettent peu de gaz à effet de serre. Cela signifie notamment construire plus souvent puis systématiquement avec du bois et des matériaux biosourcés, qui stockent le carbone pendant la durée de vie du bâtiment. À travers ces exigences, c’est une transformation profonde de la manière de construire qui s’engage et qui mobilisera l’ensemble de la filière du bâtiment pendant les mois et années à venir. Par ailleurs, les seuils fixés permettront de conserver une logique de résultats et non de moyens, laissant aux constructeurs la liberté de choisir les matériaux et les techniques qu’ils souhaitent mettre en place de manière optimale ». Les ministres ont néanmoins précisé « qu’une telle évolution réglementaire doit se faire progressivement pour que la filière et l’ensemble des professionnels puissent s’adapter (…) mais aussi pour que la maîtrise des couts soit assurée ». En effet, les surcoûts des constructions bois et biosourcées, notamment pour des grands immeubles en bois, sont encore significatifs. Le gouvernement prévoit d’ailleurs un plan pour favoriser l’innovation et le développement d’une production nationale de bois de construction, y compris en favorisant les usages mixtes entre matériaux. L’objectif étant d’accompagner les filières à monter en puissance, engranger des économies d’échelle et assurer le développement d’une production industrielle nationale pour éviter d’accroître les importations. « Nous sommes mobilisés et déterminés », affirme Emmanuelle Wargon.

Diminuer de 30 % à 40 % les émissions de la construction

Dans la première phase d’application de la réglementation (2021-2024), l’enjeu sera l’appropriation par l’ensemble de la filière constructive de la méthode d’analyse en cycle de vie poussant les acteurs à optimiser les caractéristiques environnementales des matériaux et équipements utilisés, à en améliorer la traçabilité et la performance et à économiser les ressources. Durant cette phase, les exigences réglementaires pour renseigner les analyses en cycle de vie, qui présentent encore des marges de variation et d’erreurs importantes (allant jusqu’à 30 %), seront consolidées. « Une claire incitation à utiliser des matériaux à faible empreinte carbone (en particulier dans le second œuvre, comme l’isolation, les parquets, les menuiseries, pour les matériaux biosourcés) sans néanmoins créer de contrainte d’utilisation immédiate de tel ou tel matériau ou telle ou telle technique ». Les exigences augmenteront ensuite par palier : 2024, 2027 puis 2030 induisant un recours de plus en plus important aux matériaux à faible empreinte carbone et notamment bois et biosourcés. À horizon 2030, le seuil maximal en kgCO2/m2 sera abaissé entre 30 % à 40 % par rapport au niveau de référence actuel (niveau de référence intégrant déjà l’optimisation de l’analyse en cycle de vie) ! « Pour les maisons individuelles, avec de tels seuils, la construction en ossature bois deviendra vraisemblablement la norme. En logement collectif, les matériaux biosourcés seront vraisemblablement systématiques en second œuvre et très courants dans le gros œuvre, où les techniques plus traditionnelles, sous réserve de leurs progrès technologiques d’ici-là (bétons bas carbone par exemple), continueront à être présentes ». Ces seuils seront modulés en fonction des zones climatiques, notamment les plus chaudes (pourtour méditerranéen et arrière-pays provençal) pour permettre à chaque Français de bénéficier d’un logement confortable l’été sans induire des surcoûts trop élevés : « en effet, sauf à introduire des systèmes palliatifs parfois coûteux, la construction en bois ne garantit pas toujours le même niveau de confort en cas de forte chaleur ».

Confort d’été

Enfin, le gouvernement souhaite assurer que les bâtiments de demain seront adaptés au changement climatique, et confortables lors des vagues de chaleur. « Les bâtiments devront en effet mieux résister aux épisodes de canicule, déjà courants et qui seront encore plus fréquents et intenses à l’avenir. Alors que l’inconfort l’été est un défaut souvent relevé de nombreux bâtiments construits selon la RT2012, la réglementation RE2020 imposera une exigence spécifique ». La RE2020 intégrera d’abord le besoin de froid dans le calcul du besoin énergétique du bâtiment (Bbio), celui-ci étant soumis à des exigences renforcées. Sur la base d’un scénario météo similaire à la canicule de 2003, un indicateur de confort d’été sera calculé lors de la conception du bâtiment, qui s’exprimera en degré.heure (DH)*. La RE2020 fixera un seuil haut maximal de 1250 DH qu’il sera interdit de dépasser, ce qui correspondrait à une période de 25 jours durant laquelle le logement serait continument à 30 °C le jour et 28 °C la nuit. Ce seuil sera le même partout en France. Comme il sera plus difficile à respecter dans le sud de la France (pourtour méditerranéen et arrière-pays provençal), pour les logements construits dans ces zones climatiques chaudes, il sera possible de déroger à certaines exigences constructives, notamment celles qui nécessiteraient un recours trop important à des matériaux biosourcés. Parallèlement, la RE2020 fixera un seuil bas à 350 DH, à partir duquel des pénalités s’appliqueront dans le calcul de la performance énergétique. Ces pénalités seront forfaitaires afin d’inciter tous les bâtiments à faire des efforts de conception permettant de réduire le nombre d’heures au-dessus du seuil. Par ailleurs, les solutions de climatisation dites « passives » seront encouragées par la réglementation, à travers son moteur de calcul, qu’il s’agisse par exemple de la forme du bâtiment, de son orientation, de protection contre le soleil, de l’installation de brasseurs d’air ou encore de puits climatiques, etc. Il s’agit d’améliorer à faible coût et de manière durable le confort des bâtiments l’été. « Cet indicateur et cette exigence sont nouveaux pour une réglementation thermique et la réalité exacte du niveau de confort d’usage qu’ils traduisent reste à évaluer finement. Aussi, en fonction des retours d’expérience à l’issue des premières années de réglementation, cette exigence pourra être renforcée », explique Barbara Pompili.

Méthodologie

Les exigences de la RE2020 seront progressives dans le temps, notamment en ce qui concerne l’empreinte carbone de la phase de construction, mais aussi pour l’exclusion du chauffage au gaz dans les logements collectifs, qui interviendra à partir de 2024. Si l’horizon est cadencé et clair, il sera progressif afin que tous les acteurs anticipent, se forment et préparent ces changements : que ce soient des modes de conception, de construction, des matériaux, équipement et technologie utilisés. Le gouvernement prévoit également de créer un label d’État afin de valoriser et récompenser les bâtiments qui atteindront les exigences des étapes suivantes de la RE2020, c’est-à-dire ceux qui prennent de l’avance sur la réglementation. L’élaboration de ce label fait déjà l’objet d’une phase de concertation, sous l’égide du Plan bâtiment durable, qui réunit les principales parties prenantes ainsi que les porteurs des labels déjà existants (Alliance HQE, BBCA, Effinergie, etc.). La publication de la première mouture du label est prévue pour le second semestre 2021. « Grâce à la réglementation environnementale 2020 nous accélérons la décarbonation de ce secteur en agissant sur la phase de construction qui, pour un bâtiment neuf performant, représente entre 60 % et 90 % de son impact carbone total. D’ici 2030, la réglementation fera baisser cet impact de plus de 30 % », conclut Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Et Emmanuelle Wargon de compléter : « Le quart du parc de logements de la France de 2050 n’est pas encore construit. Ces futures constructions neuves se doivent d’être à la fois durables pour notre planète et de qualité pour leurs occupants, de demain et d’après-demain. Depuis plusieurs années, et notamment à travers le label E+C-, les acteurs ont pu expérimenter, échanger, concerter. Désormais, il s’agit de changer d’échelle pour le bâtiment bas-carbone et en particulier pour la construction bois et les matériaux biosourcés. Je ne doute pas que la mobilisation de toute la chaîne, des industriels, concepteurs, promoteurs, compa­gnons et artisans sera à la hauteur ».Reste que la RE2020 ne s’appliquera que sur le neuf. Pour ce qui est de l’autre enjeu, la rénovation, « la politique que nous menons est d’en finir avec les passoires thermiques. Le standard BBC existe mais progressivement, nous renforcerons les standards sur la rénovation à savoir basse consommation mais aussi biosourcé et bas carbone », précise Emmanuelle Wargon. À suivre.

* Il s’agit du nombre d’heures dans l’année durant lesquelles le bâtiment dépasserait le seuil de 28 °C le jour (26 °C la nuit), multiplié par la différence entre la température simulée et l’écart avec la limite de 28 °C (resp. 26 °C). Par exemple, pour simplifier, s’il fait 20 °C toute l’année dans un logement, excepté pendant 10 jours et 10 nuits durant lesquels la température grimpe à 30 °C en continu, l’indicateur du confort d’été sera de 720 DH ( 2 °C x 12h x 10 jours + 4° C x 12h x 10 nuits).