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Quelles seront les conséquences de la nouvelle réglementation environnementale de la construction neuve en termes de performance énergétique, de type de chauffage ou encore de matériaux ?
Les premières tendances se dessinent malgré des détails en attente.
Après plusieurs mois de négociations, et plusieurs années d'expérimentation, la nouvelle règlementation environnementale des bâtiments neufs (RE 2020) se dévoile. Mardi 24 novembre, le Gouvernement a présenté ses arbitrages par les voix de Barbara Pompili et Emmanuelle Wargon, respectivement ministre de la Transition écologique et ministre déléguée au Logement.
« Il y aura un avant et un après RE 2020 », selon Barbara Pompili qui a défendu « une réforme ambitieuse et très attendue ».
Attendue, elle l'est, car voilà plusieurs années que le monde du bâtiment s'entraîne à construire plus sobre à travers l'expérimentation E+C-. Cette RE 2020 entrera en vigueur à l'été 2021, mais, au final, les orientations choisies ne ressemblent pas à ce que préfigurait l'expérimentation.
Ambitieuse, elle l'est dans les objectifs et les discours : « Nous donnons la priorité à la sobriété énergétique, au confort d'été et la décarbonation », a détaillé Emmanuelle Wargon. Mais ambitieuse, elle le sera, lorsque tous les détails seront connus. Il reste en effet à acter certains critères techniques dans le cadre d'une concertation prévue début décembre. Des détails qui influenceront la mise en œuvre de cette RE 2020 et, par conséquent, les performances réelles des nouvelles constructions.
Des bâtiments conçus pour moins consommer
Si le moteur de calcul de la performance énergétique d'un bâtiment pour cette réglementation thermique n'évoluera pas beaucoup, les indicateurs qu'il intègre, eux, ont changé. Première nouveauté, un indicateur des besoins bioclimatiques (Bbio) renforcé. Déjà existant dans la RT 2012, cet indicateur représente les besoins énergétiques intrinsèques au bâtiment sans chauffage. Ce Bbio va devoir être réduit de 30 % pour les constructions neuves. Les nouveaux bâtiments pourraient donc consommer 30 % d'énergie en moins que ceux actuels. « C'est globalement favorable et assez ambitieux », estime Etienne Charbit, responsable de projet au Cler - Réseau pour la transition énergétique.
Mais ce Bbio ne sera pas tout à fait le même que celui de la RT 2012. Le Gouvernement va y inclure les besoins en froid (Bbio froid) pour améliorer le confort d'été, véritable angle mort de la RT précédente. « C'est une bonne chose d'intégrer le froid dans le Bbio car on va calculer les besoins du bâtiment en hiver et en été, estime Yann Dervyn, directeur du collectif Effinergie. Mais attention à ce que cela n'affaiblisse pas l'objectif de réduction de 30 % ». Surtout que les surfaces de référence à prendre en compte ont également changé ce qui complique d'autant plus la comparaison.
Le confort d'été enfin pris en compte
Un deuxième indicateur évolue lui aussi : le CEP ou consommation conventionnelle d'énergie primaire du projet. Il porte sur les consommations de chauffage, de refroidissement, d'éclairage, de production d'eau chaude sanitaire et d'auxiliaires (pompes et ventilateurs). Là aussi, les besoins de froid y seront intégrés sous la forme d'un nouvel indicateur exprimé en degré.heure (DH).
Sur la base d'un scénario météo similaire à la canicule de 2003, cet indicateur de confort d'été sera calculé lors de la conception du bâtiment. La RE2020 fixera un seuil haut maximal de 1 250 DH qu'il sera interdit de dépasser, ce qui correspondrait à une période de 25 jours durant laquelle le logement serait continument à 30 °C le jour et 28 °C la nuit. Ce seuil sera le même partout en France. Parallèlement, la RE2020 fixera un seuil bas à 350 DH, à partir duquel des pénalités s'appliqueront dans le calcul de la performance énergétique. Autrement dit, sous les 350 DH, un bâtiment n'a pas besoin de système de refroidissement actif pour respecter les conditions de température. Au-dessus de 350 DH, il en a besoin, ce qui pénalise sa consommation d'énergie. Au-dessus de 1250, le bâtiment n'est pas réglementaire.
Chauffage : haro sur le gaz naturel
Même si les besoins énergétiques seront réduits, ils ne seront jamais nuls ne serait-ce que pour l'éclairage, la ventilation, le chauffage ou la climatisation. Pour orienter les choix technologiques, le Gouvernement introduit un seuil maximum d'émissions de carbone. Un choix politique qui vise clairement à sortir le gaz et le fioul des constructions neuves. « L'enjeu est de cesser d'utiliser des énergies fossiles dans les bâtiments neufs, alors qu'aujourd'hui encore les logements au gaz sont majoritaires en constructions neuves », explique Barbara Pompili.
En maison individuelle, le seuil sera fixé à 4 kgCO2/m2/an dès l'entrée en vigueur de la RE2020 à l'été prochain et exclura de fait des systèmes utilisant exclusivement du gaz. En logement collectif, la transition sera progressive entre 2021 et 2024, « car aujourd'hui encore 75 % des logements collectifs nouvellement construits sont chauffés au gaz », justifie le ministère. Aussi, le seuil sera d'abord fixé à 14 kgCO2/an/m2, laissant encore la possibilité d'installer du chauffage au gaz à condition que les logements soient très performants énergétiquement. Ensuite, dès 2024, le seuil sera ramené à 6 kgCO2/m2/an, excluant de fait le chauffage exclusivement au gaz. « Nous sommes déçus de l'intention politique exprimée, commente Patrick Corbin, Président de l'Association française du gaz (AFG). Alors que le réseau de gaz naturel sera de plus en plus renouvelable à horizon 2050, le Gouvernement fait fi des gaz renouvelables pour les logements neufs ». Pour la ministre Barbara Pompili, le biométhane dans le réseau de gaz doit servir en priorité « à verdir les nombreux logements encore alimentés en gaz naturel ».
Reste la question de l'électrification des usages, très controversée, car renforçant les risques de pointe de consommation. Pour se prémunir du retour massif du « grille-pain » électrique dans les logements, le Gouvernement crée un seuil maximum d'utilisation d'énergie non renouvelable. Un seuil encore inconnu mais qui, par son existence même, satisfait le Syndicat des énergies renouvelables (SER) : « cette règlementation permettra de massifier le recours aux énergies renouvelables dans l'habitat neuf, en particulier dans la maison individuelle où le panel de solutions techniques est particulièrement large », estime-t-il. « Encore en débat au ministère, c'est un CEP dans lequel on va ramener à zéro la consommation des ENR. C'est notamment intéressant pour les pompes à chaleur », analyse Yann Dervyn.
Choix constructifs : place nette pour le biosourcé
Dans la continuité de l'expérimentation E+C-, la RE 2020 ne se contente pas d'intégrer le facteur carbone lors de la phase d'exploitation du bâtiment mais tout au long de son cycle de vie, y compris lors de sa construction. Ce nouveau facteur va grandement influencer les choix constructifs. Nouveauté par rapport à l'expérimentation : l'analyse de cycle de vie (ACV) valorisera le stockage temporaire du carbone, à savoir la capacité des matériaux biosourcés à stocker le carbone pendant leur vie biologique et à ne le réémettre en partie qu'en fin de vie. On parle alors d'analyse en cycle de vie dynamique, qui attribue un poids plus fort au carbone qui est émis aujourd'hui qu'au carbone qui sera émis plus tard. En calculant les exigences réglementaires avec cette méthode, les matériaux qui émettent peu lors de leur fabrication et qui stockent du carbone dans les bâtiments, comme le bois et les matériaux biosourcés, seront avantagés par rapport aux matériaux plus émetteurs lors de leur production.
Cette nouvelle approche ne satisfait pas du tout les industriels de la construction de la filière béton, isolants et laines minérales, ni ceux des constructions métalliques : « La nouvelle approche transfère la responsabilité de la bonne gestion des émissions des produits et matériaux des bâtiments construits aujourd'hui aux prochaines générations, ce qui est éthiquement contestable et opposé aux principes du développement durable. Le recyclage des matériaux en fin de vie serait, en outre, très peu valorisé, en totale contradiction avec la Loi économie circulaire », argumentent-ils pour convaincre les Gouvernement d'abandonner la méthode.
« C'est un parti pris qui ne fait pas l'unanimité, même dans le milieu scientifique, explique Yann Dervyn. La norme européenne de l'ACV est différente par exemple, elle donne le même poids au carbone tout le long du cycle de vie. Mais cette approche a un avantage majeur : elle permet de faire de gros efforts dès maintenant ».
Une ambition carbone progressive
Sur la base de l'indicateur de carbone en cycle de vie, mesuré en kgCO2/m2 de surface de logement, la RE2020 fixera des exigences compatibles avec la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Il s'agit de diminuer les émissions des secteurs industriels d'au moins 30 % en 2030 par rapport à 2013, objectif que la RE2020 déclinera dans le cas de la construction. « Mais on a besoin de temps pour que ces nouveaux modes constructifs montent en puissance et se structurent. Le rehaussement des exigences sera progressif : 2021 sera l'année de la fiabilisation des ACV et des bases de données », a expliqué Emmanuelle Wargon. En 2024, l'objectif sera de -15 %, en 2027 : -25 %, et en 2030 : de -30 % à -40 %.
En complément de l'indicateur carbone dynamique, un indicateur de stockage carbone sera calculé à titre seulement informatif. Il permettra d'afficher explicitement le taux de recours à la biomasse.
Florence Roussel, journaliste
Rédactrice en Chef
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