SANTÉ. Les particules polluantes les plus dangereuses proviendraient du chauffage au bois, selon une nouvelle étude scientifique qui se penche sur leur "potentiel oxydant".
Et les chercheurs d'appeler les pouvoirs publics à ne plus favoriser le
développement de la biomasse. Un comble quelques jours après la
présentation des derniers arbitrages de la Réglementation
environnementale 2020, très favorables au matériau sylvestre.
Voilà une parution
scientifique qui va pimenter encore un peu plus les débats autour de la
Réglementation environnementale 2020 : quelques jours après la
présentation des derniers arbitrages du texte, une étude scientifique
européenne supervisée par l'Institut suisse Paul-Scherrer et
initialement publiée le 18 novembre dernier dans la revue Nature, a été
relayée dans les colonnes du Monde.
Selon les chercheurs qui l'ont réalisée, les particules polluantes les
plus dangereuses pour la santé humaine proviendraient du trafic
automobile et du chauffage au bois.
Estimant que l'approche sur la quantité de particules fines inspirée est
insuffisante, ils préconisent de désormais prendre en compte un nouvel
indicateur, à savoir leur "potentiel oxydant", autrement dit leur faculté à s'attaquer notamment aux cellules pulmonaires. En découle un "stress oxydatif"
qui peut déboucher sur des maladies respiratoires et
cardio-vasculaires. D'après les scientifiques qui ont conduit cette
étude, le potentiel oxydant des particules dépend de "leur composition chimique et donc de leur source d'émission", peut-on lire dans le quotidien. Les éléments les plus toxiques seraient donc issues "de la combustion de la biomasse (essentiellement le chauffage au bois) et du trafic routier".
Remise en cause de la RE2020
Le verdict semble donc sans appel pour Isabella Annesi-Maesano,
directrice de recherche à l'Inserm (Institut national de la santé et de
la recherche médicale) et spécialiste des questions de pollution de
l'air, toujours citée dans Le Monde : "Nous pouvons tirer deux
enseignements importants de cette étude : le premier est que les
pouvoirs publics doivent accentuer la lutte contre les émissions du
trafic routier au sens large, le second est qu'ils ne doivent plus
encourager le développement du chauffage individuel et des centrales
collectives au bois". Et le radiologue Thomas Bourdrel, membre du
Collectif Air-santé-climat, de tacler les très récentes décisions
gouvernementales : "Alors que tous les articles scientifiques
convergent pour dire que les particules de combustion notamment du bois
et de la biomasse sont les plus toxiques, le ministère de la Transition
écologique persiste et signe et va interdire le chauffage au gaz et
promouvoir notamment la biomasse".
On apprend en outre, et sans grande surprise, que les populations
urbaines sont les plus exposées aux dangers des particules fines,
résidant dans des zones "présentant le potentiel oxydant le plus élevé tout au long de l'année".
Les citadins respirent des particules dont la toxicité peut être
jusqu'à trois fois plus importante que celles inhalées par les habitants
des zones rurales. Globalement, les scientifiques estiment que la
pollution de l'air causerait entre 48.000 à 62.000 décès prématurés
chaque année en France.
"Ce qui ressort de cette étude est une nouveauté. Le fait
que le bois émette des particules qui sont dangereuses pour la santé
est connu, mais jusqu'à présent les exigences des réglementations
française et européenne ont toujours porté sur le quantitatif, en termes
de taux de particules PM10, PM5, etc", réagit le délégué général du SFCB, Éric Vial. "Avec
cette étude, on parle maintenant de qualitatif au sujet du 'pouvoir
oxydant' des particules. Nous ne remettons pas en question ce qui est
avancé, mais s'il faut arrêter toute une filière dès qu'une inquiétude
apparaît, on ne fait plus rien. Il faut maintenant approfondir le sujet
pour y voir un peu plus clair."
Bonnes performances des chaudières modernes
Contacté par Batiactu, le Syndicat français des chaudiéristes
biomasse (SFCB) rappelle des faits et des chiffres qu'il avait déjà mis
en avant lors d'une polémique similaire, en décembre 2019 : si les
anciennes installations de chauffage au bois ont effectivement pu
s'avérer nocives, les progrès technologiques et l'interdiction,
prononcée en 2020, de la commercialisation des chaudières peu
performantes, permettraient de limiter "drastiquement" les
émissions polluantes. Les chaudières modernes, qu'elles soient à bûches,
granulés ou bois déchiqueté, feraient ainsi montre de bonnes
performances et s'inscriraient comme "une des principales alternatives au chauffage au fioul et au gaz", conciliant transition énergétique et préservation de la qualité de l'air.
Si le chauffage au bois est incontestablement à l'origine d'émissions de
particules fines, le SFCB insiste sur le fait que toutes les
installations ne produisent pas les mêmes effets. "Il faut distinguer
les appareils 'non-performants', à savoir les cheminées à foyer ouvert
et les appareils anciens datant d'avant l'an 2000 ; et les appareils
nouvelle génération, très performants, économiques, confortables et à
même de préserver la qualité de l'air", explique l'organisation. Qui précise que les chaudières modernes émettent "jusqu'à 400 fois moins" de particules que les anciens équipements, l'écrasante majorité des émissions provenant donc des foyers ouverts et des inserts.
"Sur le chauffage bois, il y a un amalgame qui est fait entre les
retours de l'étude et des commentaires de scientifiques ou d'autres
personnalités, qui affirment que le chauffage au bois pollue et qu'il
faut l'arrêter. Il est vrai que le bois émet des particules polluantes,
mais uniquement dans les conditions que nous combattons et que nous
voulons supprimer, c'est-à-dire quand la combustion n'est pas bonne", explique Éric Vial. "Cette
situation résulte d'une mauvaise qualité de l'appareil, souvent due au
fait que la chaudière est trop ancienne. La qualité de l'installation,
notamment la partie fumisterie, joue également, tout comme la qualité du
combustible utilisé. Il faut également prendre en compte l'utilisation
correcte de l'appareil, et donc aussi son entretien. Une fois qu'on a
réussi à rejoindre tous ces points qui concourent à une bonne
combustion, les émissions de particules sont très faibles."
Les professionnels mettent aussi en avant que l'impact sanitaire et
environnemental du chauffage au bois dépend en outre de la qualité du
combustible utilisé, sachant que les bûches doivent de fait provenir
d'essences de feuillus durs (chêne, charme ou hêtre), être sèches,
fendues et dépourvues d'écorce, tandis que les granulés doivent faire
l'objet d'une certification spécifique. Enfin, d'après les chiffres de
l'Ademe
(Agence de la transition écologique) et du SNPGB (Syndicat national des
producteurs de granulés de bois), le bois serait un bien meilleur allié
dans la lutte contre le réchauffement climatique grâce à un niveau
d'émissions de dioxyde de carbone (CO2) de 26 g/kWh, soit 10 fois moins
de gaz à effet de serre (GES) que le fioul (300 g/kWh), le gaz (234
g/kWh pour le gaz naturel et 274 pour le propane) ou l'électricité (210
g/kWh en moyenne et jusqu'à 600 en période de pointe durant l'hiver, 79
d'après la Programmation pluriannuelle de l'énergie).
"En 15 ans, la France a baissé de 40% les émissions de particules
dues au chauffage au bois alors qu'on n'a même pas changé la moitié du
parc de chaudières sur ce laps de temps", complète Éric Vial. "Les
appareils modernes ne produisant quasiment pas d'émissions, la question
n'est donc pas de savoir s'il faut arrêter ou non le chauffage au bois,
mais d'arrêter les anciens appareils et les mauvaises utilisations du
bois. Si on diminue les émissions via des appareils et combustibles
modernes, on obtient automatiquement moins de particules oxydantes, et
donc moins de risques pour la santé."