Brice Lalonde - L'erreur de l'Europe : chasser l'énergie en oubliant le CO2

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 Brice Lalonde en août  2011. 


TRIBUNE. Pour l'ex-ministre de l'Environnement, la protection du climat doit aussi passer par une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Par Brice Lalonde*
Modifié le 22/10/2020 à 11:16 - Publié le 22/10/2020 à 11:00 | Le Point.fr

Le Parlement européen décrète l'urgence climatique et prescrit une baisse audacieuse de 60 % des émissions en 2030 par rapport à celles de 1990. Le lendemain, appelé à se prononcer sur les projets énergétiques qui méritent des subventions, il exclut le nucléaire décarboné, mais inclut le gaz naturel, combustible fossile émetteur de CO2 quand il est brûlé et puissant gaz à effet de serre quand il fuit. Cette incohérence n'est pas fortuite.

Objectifs

La politique climatique européenne est fondée sur la diminution de la consommation d'énergie, grâce à une plus grande efficacité, et le développement des énergies renouvelables. Mais les mesures d'efficacité n'ont guère fait baisser la consommation qui stagne, voire augmente, tandis que les énergies renouvelables sont loin du compte. Le gaz naturel est appelé à la rescousse, au dam des objectifs de réduction des émissions.

Contraintes

La Commission veut durcir sa directive sur les économies d'énergie. L'efficacité est assurément un bon principe, mais les gisements d'économies ne sont pas illimités. Plus ils s'amenuisent, plus les contraintes s'alourdissent. Au demeurant, une question se pose : la meilleure protection du climat est-elle la réduction de la consommation d'énergie ou celle des émissions de gaz à effet de serre ?

Alternatives

Si l'on veut bien admettre que le dérèglement du climat provient d'abord des émissions de CO2, ce sont les énergies fossiles qui en sont responsables. Il faut donc spécifier que l'on vise la réduction de la consommation des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz naturel, non celle de l'énergie en général, dès lors qu'il y a des substituts aux sources fossiles, renouvelables, récupération de chaleur, nucléaire.

Effets pervers

Ne pas différencier produit des effets pervers. La directive européenne sur l'efficacité énergétique des bâtiments traite de l'énergie, mais ignore le CO2. Mesurant la consommation d'énergie non pas à l'intérieur du bâtiment (énergie finale), mais à partir des sources d'énergie dans la nature (énergie primaire), elle pénalise l'électricité puisqu'il faut d'abord produire celle-ci à partir d'une source existante. Le combustible fossile carboné est donc considéré comme plus efficace que l'électricité décarbonée d'origine nucléaire. Quel paradoxe !

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L'Europe s'efforce donc de réduire la consommation d'énergie sans distinguer les énergies qui sont nuisibles au climat des autres. C'est vouloir nous faire prendre les vessies (fossiles) pour des lanternes. Il n'y a pas de raison climatique à forcer des États disposant d'une énergie décarbonée à réduire leur consommation, sauf à les punir d'avoir raison et à ménager les intérêts de ceux qui ont tort. La doxa de Bruxelles a même réussi à rendre la France honteuse de son nucléaire !

Impératifs

Retour à la question centrale : la décroissance de la consommation d'énergie doit-elle être l'horizon de l'Europe ? L'air du temps est certainement au repli et à la sobriété. Mais il n'est pas certain que l'économie circulaire, les avancées numériques, les villes compactes, les infrastructures nouvelles, l'adaptation au climat, la réindustrialisation post-Covid n'aient pas besoin d'énergie, sans parler du bien-être et de la prospérité de la population.

Innover

Demain, il faudra décarboner plus sérieusement qu'aujourd'hui. Les industries émettrices de CO2 seront appelées à capturer, stocker et utiliser celui-ci. Plus tard, l'humanité sera obligée d'extraire de l'atmosphère une partie du CO2 qui s'est accumulé. Et à partir de ce CO2 inventer une nouvelle économie du carbone. Impossible sans beaucoup, beaucoup d'énergie.

L'Europe devra choisir si elle s'inscrit dans cette nouvelle économie ou si elle s'abandonne aux mirages d'une douce résignation.

* Brice Lalonde est président de l'association Équilibre des énergies et ex-ministre de l'Environnement du gouvernement Rocard sous la présidence Mitterrand.