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Les stigmates des changements climatiques sont de plus en plus visibles dans les forêts françaises. La députée Anne-Laure Cattelot propose la création d'un fonds doté de 300 M€/an pour reconstituer massivement les forêts.
« Depuis 2019, 222 000 hectares (soit environ vingt fois la superficie de Paris) de forêts publiques en France subissent des dépérissements importants et un taux de mortalité inédit », rapporte l'Office national des forêts (ONF). La cause ? L'accélération du changement climatique à l'origine d'épisodes répétés de sécheresse et de crises sanitaires, explique l'établissement public.
L'adaptation de la forêt au changement climatique faisait partie de la liste des travaux que le Premier ministre avait confiés à la députée LReM Anne-Laure Cattelot à l'issue du Conseil de défense écologique du 7 novembre 2019. L'élue du Nord a remis son rapport ce jeudi 17 septembre au ministre de l'Agriculture et à la secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Elle propose la création d'un fonds pour l'avenir des forêts doté de 300 millions d'euros (M€) par an.
Un million d'hectares boisés en 30 ans
Ce fonds viserait à « reconstituer massivement les forêts sinistrées, anticiper, enrichir et adapter à l'aune de nos connaissances les peuplements vulnérables au changement climatique et créer de nouvelles forêts ». La députée fixe l'objectif d'un boisement d'un million d'hectares en trente an.
Pour les seules forêts publiques, l'ONF estime que 500 000 hectares devraient voir leur « faciès » actuel se modifier. « Le réchauffement climatique est dix fois plus rapide que la migration naturelle des essences forestières. Dans les cinquante prochaines années, on estime que 60 % des territoires occupés aujourd'hui par les grandes essences forestières (chêne, hêtre, sapin, épicéa, pin sylvestre) sortiront des limites climatiques acceptables par ces essences majeures », explique l'établissement public.
Affecter une partie des recettes de la fiscalité carbone
Estimant que l'investissement nécessaire ne peut reposer sur les seuls propriétaires, qu'ils soient publics ou privés, la députée propose de créer le Fonds pour l'avenir des forêts doté de 300 M€/an, alors que les moyens publics actuellement mobilisés ne sont que de 20 M€. « Les services d'intérêt général portés par la forêt (paysages, préservation de la biodiversité et des ressources en eau, stockage de carbone… et le caractère stratégique de la ressource en bois (balance commerciale, indépendance nationale, emplois et activité économique…) justifient une aide de la puissance publique et de financements privés recherchant une compensation environnementale de leur activité , explique la parlementaire.
Pour l'alimenter, Mme Cattelot propose plusieurs sources. En premier lieu, une affectation d'une partie des recettes de la fiscalité carbone (100 M€) issues des enchères de quotas carbone européens ou d'une fraction de la contribution climat-énergie. Ensuite, une mobilisation de fonds privés (100 M€) dans le cadre du label bas carbone. Enfin, des financements publics : crédits des agences de l'eau (30 M€), des régions (20 M€), et dotations du grand plan d'investissement (10 M€).
Pour la députée, l'effort de reconstitution des forêts doit s'accompagner d'un maximum de diversité et d'une concertation territoriale. « Les opérations financées par le fonds devront donc impérativement respecter des critères d'éco-conditionnalité et ne peuvent s'envisager sans un débat, une coconstrution et un consensus obtenus dans le cadre d'approches territoriales, de types chartes forestières de territoire ».
Risque d'industrialisation de la gestion forestière
Pour le Gouvernement, l'urgence d'impulser le renouvellement des forêts, mise en exergue par la députée, vient conforter sa décision de mobiliser 200 M€ pour l'adaptation de la forêt aux changements climatiques dans le cadre du plan de relance. Pour l'exécutif, il s'agit de « renouveler les forêts fragilisées par les impacts du changement climatique » mais aussi d'« augmenter la production de graines et plants forestiers, de développer les entreprises de transformation du bois, tout en dynamisant le marché de la construction en bois, et en accélérant le virage numérique de la filière ».
L'association Canopée, qui salue certaines propositions de la députée qui « ouvrent enfin le débat », perçoit le danger d'une industrialisation de la forêt. « Le rapport de force est aujourd'hui totalement déséquilibré avec un ministre de l'Agriculture qui a repris à son compte tous les arguments productivistes d'une partie de la filière forêt-bois. Le risque est grand que ce rapport et l'indispensable adaptation aux changements climatiques servent simplement d'alibi au Gouvernement pour industrialiser la gestion forestière comme l'a été l'agriculture dans les années 1950/1960 », alerte Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de l'ONG.
« Les propositions du rapport doivent désormais faire l'objet d'une analyse attentive de la part du Gouvernement », précisent prudemment les deux ministres. Les recommandations de la députée rejoignent les priorités identifiées par les acteurs de la forêt et du bois dans la feuille de route pour l'adaptation des forêts au changement climatique, indiquent-ils. La publication de ce document est attendue d'ici peu. En l'état actuel des choses, l'absence de conditions pour accéder aux aides du plan de relance « ouvre aujourd'hui la possibilité de les utiliser massivement pour remplacer les forêts existantes par des monocultures », prévient Canopée.
Laurent Radisson, journaliste
Rédacteur en Chef délégué aux marchés HSE
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