Des scientifiques américains ont développé une technique
radicalement nouvelle pour exploiter l’énergie éolienne. Alignés dans la
direction des vents dominants, sur le bord d’un toit, les appareils
statiques et silencieux qu’ils ont conçus permettraient de produire
autant d’énergie qu’une installation photovoltaïque couvrant l’ensemble
du bâtiment.
Aux quatre coins de la planète les parcs éoliens se multiplient dans
les campagnes agricoles, mais les tentatives visant à installer ces
turbines dans les zones urbanisées, sur les toits des immeubles, se sont
presque toujours soldées par des échecs. La présence de bâtiments et
d’autres obstacles comme les arbres rend en effet le vent instable et
crée des turbulences dans l’air. Lesquelles, à leur tour, provoquent des
nuisances sonores et des vibrations dans les mâts et les pales des
éoliennes, réduisant ainsi leur durée de vie et leur rentabilité. Faut-il
dès lors abandonner tout espoir d’exploiter l’énergie du vent dans les
villes ? Des scientifiques américains du Sandia National Laboratories et
de la Texas Tech University ont exploré une autre voie en essayant
d’exploiter les propriétés aérodynamiques des ailes d’avions.
Placées dans un flux d’air, le profil de celles-ci est
étudié pour créer une dépression sur la face supérieure (extrados) et
une surpression sur la face inférieure (intrados). La différence de
pression entre les deux faces crée alors la force ascendante (ou
portance) qui permet à l’appareil de s’envoler ou de rester en altitude.
Ces chercheurs ont donc eu l’idée de placer face à face, dans une
soufflerie, deux profils verticaux ayant cette forme aérodynamique … et
ils ont pu constater que la théorie qu’ils avaient échafaudée se
vérifiait par la pratique. Quand les deux ailes sont nez au vent, la
dépression créée entre leurs faces intérieures (les deux intrados)
permet en effet d’aspirer de l’air au travers de trous ou de fentes
pratiqués dans ces profils creux. Comme on
le comprend sur l’illustration placée en haut de l’article, une turbine
placée dans le conduit d’arrivée d’air permet alors de générer de
l’électricité.
« A l’exception de la petite turbine, il n’y a aucune pièce en
mouvement ce qui simplifie la conception de cet équipement, réduit les
phénomènes d’usure, les risques de pannes, les coûts de maintenance et
le bruit » explique Carsten Westergaard, professeur à la Texas Tech
University. La turbine peut d’ailleurs être placée à l’intérieur du
bâtiment, à un endroit aisément accessible pour procéder à son entretien
ou à des réparations. Brent Houchens, ingénieur en mécanique au
Sandia National Laboratories, prévoit le placement d’un certain nombre
de ces appareils (que leurs concepteurs ont appelé «AeroMINE»), alignés
dans la direction des vents dominants, sur le bord du toit plat d’un
immeuble ou d’un hall industriel.
« Ainsi, sur un bâtiment, nous pouvons exploiter en même temps l’énergie du vent et du soleil » nous explique-t-il. « Il
s’agit d’une solution qui peut s’ajouter à une installation
photovoltaïque placée en toiture et qui permet, en fonctionnant aussi la
nuit, d’atteindre plus facilement l’autonomie énergétique. Les deux
technologies sont complémentaires, car, lorsqu’il y a beaucoup de vent,
il y a souvent moins de soleil ou vice versa » ajoute-t-il.
Bien
qu’ils ne l’aient encore testée qu’en soufflerie, les scientifiques
américains ont déjà établi les performances pouvant être attendues de
leur invention, qu’ils se sont d’ailleurs empressés de protéger par un
brevet. Selon leurs calculs, une rangée d’AeroMINE raccordés en série
sur la même turbine et alignés sur le bord d’un toit permettrait, dans
les régions suffisamment venteuses, de produire, en un an, autant
d’électricité qu’une installation photovoltaïque couvrant l’ensemble du
bâtiment.
« Je crois que cette technologie a les atouts pour s’imposer
» estime Luciano Castillo, ingénieur en mécanique à l’Université
Purdue. Il n’est pas impliqué dans le projet mais a travaillé avec
Westergaard dans le passé. Il pense que la simplicité de conception et
la facilité d’installation de l’AeroMINE pourrait constituer une
solution intéressante et peu coûteuse pour les pays en développement.
L’équipe
d’inventeurs a obtenu un subside du département américain de l’énergie
et compte tester d’ici juin 2020 un prototype de 4 mètres de haut qui
sera installé sur un bâtiment du National Wind Institute de l’université
Texas Tech.